C’est un album qui, un quart de siècle après sa sortie, reste davantage que beaucoup d’autres attachés à la fois au contexte dans lequel on l’a entendu pour la première fois et à la réalité qu’il évoque. Un album qui condense encore mieux que la plupart de ceux qu’on a pu découvrir et apprécié à même période un temps provisoirement suspendu. Ces quelques années qui s’écoulent, entre la fin de l’adolescence et le début du véritable âge adulte, un peu différemment des autres : parfois plus vite, parfois plus lentement, au rythme des derniers flux et reflux de l’insouciance. C’est cela que contient Apartment Life et que l’on redécouvre avec un plaisir inattendu et curieusement inaltéré, aussi bien sur la première réédition vinyle publiée en fin d’année dernière que sur ces démos pleines de charme et qui ont constitué l’une des rares satisfactions du dernier Disquaire Day. Les chansons sont toujours excellentes – cela se confirme – mais il est évidemment impossible de les réécouter à l’identique. Les pertes s’additionnent et les deuils se cumulent : Adam Schlesinger n’est plus depuis 2020 ; l’innocence qui imprégnait le deuxième album du trio non plus. Il y subsiste pourtant quelque chose d’essentiel qu’une conversation avec Dominique Durand et Andy Chase ne permet que partiellement d’élucider.
Quels souvenirs avez-vous conservé des trois ans qui se sont écoulés entre la sortie de votre premier album, Realistic, 1994 et celle d’Apartment Life, 1997 ?
Dominique Durand : Pour notre premier album, nous avions signé avec Seed Records, un label formellement indépendant mais qui était étroitement lié à Atlantic. Nous avons publié Realistic chez eux, en 1994 et, immédiatement après la sortie, nous sommes partis en tournée. D’une part parce que c’était quasiment le seul moyen d’assurer la promotion de l’album et, d’autre part, parce que nous n’étions pas encore très au point en tant que musiciens et que nous avions besoin de jouer énormément sur scène pour progresser. C’est pendant cette longue tournée que nous avons commencé à composer plusieurs de ces chansons qui figurent sur le deuxième album. Nous avions souvent des plages de temps libre importantes et nous nous ennuyions assez souvent pendant la journée. Si je me souviens bien, nous avons aussi fait une pause de quelques semaines et nous sommes partis tous les trois en France, en Normandie, chez mes parents. C’est là qu’Andy a écrit aussi plusieurs de ces morceaux. Quand nous sommes rentrés à New-York, nous étions donc quasiment prêts à enregistrer Apartment Life. Andy et Adam se sentaient désormais suffisamment confiants dans leurs capacités techniques et musicales et, après en avoir discuté entre nous, nous avons décidé de nous passer de producteur. Nous avions une vision assez claire et précise du son que nous souhaitions pour cet album : quelque chose de très organique, très naturel, assez proche de ce que nous jouions en concert mais avec des cuivres et des cordes en plus. En plus, nous n’avions pas eu d’excellentes relations avec le producteur avec lequel nous avions travaillé sur Realistic – Kurt Ralske, ndlr. – et nous avions envie d’être complètement autonomes cette fois-ci. Nous avions la chance qu’Andy ait installé son propre studio à New-York et nous savions que nous pourrions y passer autant de temps que nécessaire et même y camper pour plusieurs mois si besoin.
Andy Chase : Je me rappelle en effet que nous avons eu pas mal de journées de relâche à remplir pendant cette longue tournée et que nous avons conçu l’essentiel d’Apartment Life pendant cette période. Je me souviens notamment d’une photo où nous sommes debout devant notre Van, tous les trois, en 1995, quelques heures avant un concert à Washington D.C. Après ce concert, nous avons passé quelques jours chez mes parents, dans le Maryland et c’était particulièrement émouvant pour moi de vivre avec Adam et Dominique dans la maison où j’ai grandi. Nous avons aussi composé quelques chansons à la guitare pendant ce séjour. Comme l’a dit Dominique, nous étions dès le départ très attachés à l’idée de produire l’album suivant nous-mêmes. L’expérience précédente avait été tellement catastrophique que, en sortant du studio où nous avions enregistré Realistic, nous nous étions solennellement juré que, si nous avions la chance d’enregistrer un jour un autre album, nous nous passerions de producteur. Il faut aussi rappeler que, suite à des transferts de contrats, Apartment Life a été directement publié sur Atlantic et non sur l’une de ses obscures subdivisions. Nous disposions donc d’un budget beaucoup plus conséquent. Nous nous sommes dit que nous ferions aussi bien de l’utiliser pour nous offrir tout ce dont nous avions rêvé musicalement : une vraie section de cuivres par exemple. Il y avait quelque chose d’une libération à pouvoir expérimenter et tester à peu près tout ce qui nous passait par la tête, sans être prisonniers, pour une fois, des contraintes de coûts. Une autre des particularités de cet album tient aussi au fait que, contrairement à tous les suivants, presque aucune chanson n’a été composée au moment de l’enregistrement. Nous avions pour la première et la dernière fois une idée très précise de ce que les chansons allaient devenir avant même de commencer à les enregistrer.
Contrairement aux stéréotypes, vous n’avez donc pas ressenti de pression particulière au moment d’enregistrer ce deuxième album. Il y a d’ailleurs une impression d’insouciance, presque d’innocence qui continue de transparaître dans ces chansons.
DD : C’est ce qui rend Apartment Life assez unique et qui ne tient pas seulement à la qualité des chansons. C’est une période laquelle nous passions énormément de temps ensemble, et pas seulement pour faire de la musique. Nous habitions, Andy et moi, juste en face de chez Adam et nous étions vraiment en totale harmonie tous les trois. Nous adorions passer du temps ensemble : c’était excitant, c’était drôle, c’était créatif. La vie à New-York était très agréable aussi à cette période : nous sortions souvent pour écouter tous ces nouveaux groupes qui apparaissaient dans la première moitié des années 1990. Il y avait une certaine forme d’entraide et un sentiment de communauté artistique entre tous ces groupes, pourtant très différents les uns des autres. Nous n’avions pas vraiment conscience des contraintes de temps : nous travaillions aussi bien le jour que la nuit ; des copains musiciens pouvaient passer à n’importe quelle heure sans que cela pose problème.
AC : Nous n’avions pas encore d’enfants et ça change beaucoup de choses !
DD : Oui, je ne sais pas si tu es d’accord mais je crois que c’est la préparation de cet album a correspondu à la période la plus heureuse pour Ivy en tant que groupe.
AC : Oh oui, tout à fait.
DD : Nous fumions énormément d’herbe et nous étions défoncés presque tout le temps. Mais, en dehors de l’anecdote, l’ambiance était exceptionnellement détendue. Je crois que c’est le seul album pendant l’enregistrement duquel nous ne nous sommes presque pas disputés.
AC : C’est vrai qu’on dit souvent que les groupes sont soumis à une très forte pression quand ils passent au deuxième album. C’est sans doute exact de façon générale. Il y a même cette expression en anglais qu’on emploie, par analogie avec le vocabulaire scolaire : sophomore slump, la crise de la deuxième année en quelque sorte. Souvent, si on réussit à publier un premier album et qu’il n’est pas trop mal reçu, il faut faire face aux exigences et aux attentes du label, du public, de la critique. Nous n’avons pas été confrontés à cette crise ou à cette pression pour la bonne et simple raison que, de notre point de vue, l’enregistrement de Realistic avait vraiment été totalement merdique. Nous avions tous détesté chaque étape, sans exception. Je n’en reviens toujours pas aujourd’hui que des gens aient pu aimer cet album. C’est une histoire sur laquelle je ne reviendrai pas ce matin mais nous avons vraiment traversé une période de guerre avec cet album : un procès avec le producteur parce qu’il voulait nous empêcher de rentrer dans le studio. Adam s’en est même pris à lui physiquement parce qu’il avait décidé de ne plus nous laisser accéder aux bandes masterisées. Il m’avait aussi accusé d’avoir saboté ses consoles. Nous étions complètement vierges de toute expérience en studio à ce moment-là et c’est peu dire que le traumatisme avait été profond. Par conséquent, nous n’avons pas vraiment envisagé Apartment Life comme un second album. Pour nous, c’était notre première chance de faire les choses normalement, comme nous l’avions toujours souhaité. Pas de procès, pas de folies, pas d’engueulades, pas de producteur qui appelle la maison de disques derrière notre dos pour se plaindre. Et en plus, nous avions un plus gros budget. Nous n’avons donc jamais été paniqués à l’idée qu’il faudrait être à la hauteur du premier album.
DD : C’est en réécoutant les démos – et c’est pour cette raison que nous avons aussi décidé de les publier – on redécouvre aussi la qualité des chansons. Les versions de l’album sont très bien produites et beaucoup plus élaborées. Mais, finalement, ce sont des chansons très structurées et dont on peut entendre la trame harmonique et mélodique dans ces versions beaucoup plus dépouillées, souvent avec une seule guitare. C’est une différence importante avec la plupart de nos albums postérieurs où le travail de création avait lieu très souvent en studio.
C’est aussi en 1996 qu’est sorti le premier album de Fountains Of Wayne. Comment avez-vous géré avec Adam ce double emploi du temps et sa participation aux deux groupes ?
DD : Dès les débuts du groupe, il avait toujours été clair qu’il n’y avait pas d’exclusivité entre nous. Adam ne nous avait jamais caché qu’il avait d’autres projets et cela ne nous posait aucun problème. Nous avons toujours pensé que plus on trouve à s’épanouir sur le plan créatif, mieux c’est pour tout le monde. C’est devenu un peu plus compliqué quand Fountains Of Wayne a publié ce premier album qui a eu un certain succès, en tous cas aux USA. Nous étions sur le même label et il a fallu organiser l’emploi du temps d’Adam de façon plus rationnelle et calculée, pour qu’il puisse alterner les tournées avec les deux groupes. Pendant un moment, il passait quasiment toute l’année sur la route et c’était un peu difficile. Quand Ivy se voyait proposer des dates de tournée, nous devions parfois refuser parce qu’Adam était tellement lessivé qu’il ne pouvait physiquement pas supporter de repartir. Pour les tournées, c’était donc un peu compliqué. Pour ce qui est d’enregistrer des albums, cela n’a jamais vraiment posé de problème parce qu’il arrivait à s’organiser efficacement. Les deux groupes étaient vraiment très différents sur le plan musical et cela a parfois été difficile à comprendre pour le public et même pour la presse. Nous avons parfois souffert un peu de cette confusion. Et puis il y a eu une brève période – pas au moment du premier album de Fountains Of Wayne mais un peu plus tard, entre le deuxième et le troisième – ou Adam est devenu… Comment dire ? Où il a attrapé un peu la grosse tête.
AC : Nous avons rencontré Adam bien avant, quand nous étions encore quasiment des gosses – nous avions à peine vingt ans. Ivy a obtenu son premier contrat avant Fountains Of Wayne et c’est même en grande partie parce que Ivy est passé chez Atlantic pour le deuxième album que Fountains Of Wayne a pu également signer avec eux. Nous avons donc toujours conservé cette idée d’antériorité ou de primauté pour Ivy parce que nous nous connaissions depuis bien plus longtemps. Quand Stacey’s Mom a cartonné aux USA en 2003 et que la chanson est restée classée dans les charts pendant plusieurs mois, le succès l’a rendu un peu trop sûr de lui et presque imbu de sa personne. Quand nous travaillions sur une chanson pour Ivy et nous n’étions pas d’accord, il lui est arrivé s’emporter et de nous dire : » Tant pis pour vous ! Si vous ne voulez pas suivre l’avis d’un type qui a décroché un hit à la radio… « Et on pensait très fort: » Espèce d’enfoiré, tu te fous de nous ? « Heureusement, ça n’a jamais duré très longtemps, notamment grâce à Dominique. Rien de tel qu’une Parisienne avec un fort tempérament pour vous remettre rapidement les pieds sur terre ! Il y a même une fois où elle était tellement en colère qu’elle en a perdu un peu de son anglais. Au lieu de lui dire : » C’est pour ça que tu m’emmerdes tellement ! « , elle a sorti : » C’est pour ça que je te méprise tellement ! « Le pauvre Adam était tellement ébahi et déconcerté qu’il a immédiatement interrompu la dispute pour lui demander, très inquiet, si c’était vrai. Il était tellement touché. Donc, oui, il y a eu parfois quelques conséquences désagréables du succès de Fountains Of Wayne. Ce qui était le plus contrariant, parfois, c’est quand nous étions en tournée avec Ivy et que, alors que les deux groupes n’ont rien à vois musicalement, les seules questions que les journalistes posaient à Dominique en interview c’était : » Qu’est-ce que ça vous fait d’être dans le même groupe que le gars qui a écrit un tube ? » ou « Qu’est-ce que vous pensez de Stacey’s Mom ? » Il y a des jours où c’était franchement fatiguant.
Quelles règles avez-vous mis en place pour gérer ses tensions ?
AC : Nous avons inventé un système de jokers, un peu comme dans les jeux de cartes. Indépendamment même du succès de Fountains Of Wayne ou d’Ivy, nous avions tous les trois de très fortes personnalités. Deux Juifs libéraux et une Parisienne bien têtue : c’est peu dire que nous avions souvent des opinions très arrêtées et très divergentes. Il y avait beaucoup de discussions houleuses et chaque discussion était à la vie, à la mort. Nous ne savions pas trop comment régler ces disputes alors nous avons instauré cette règle du joker. Chacun d’entre nous, pour chaque album, disposait d’un joker imaginaire. Et quand il décidait de jouer son joker, aucun des deux autres ne pouvait plus protester. Par exemple, si j’étais convaincu qu’une chanson était fabuleuse, la meilleure qu’Ivy ait jamais enregistrée mais que Dominique et Adam la trouvait nulle, je pouvais leur imposer en jouant mon joker. En général, c’était pendant un enregistrement. Pour Undertow – la première chanson de l’album Long Distance, 2000 – Adam voulait rajouter un solo de guitare que Dominique détestait. Elle a essayé de l’obliger à jouer son joker d’entrée de jeu. Il y avait un aspect très tactique : chacun essayait de pousser les deux autres à jouer leur joker le plus tôt possible en sachant qu’il y aurait des chansons plus importantes par la suite. Adam balançait ainsi un solo bizarre sur un titre qui ne lui tenait pas particulièrement à cœur pour faire enrager Dominique et pouvoir lui dire : » Si ça ne te plait pas, tu n’as qu’à jouer ton joker ! « . Tout ça parce qu’il anticipait que si elle le jouait sur cette chanson, il aurait plus facilement gain de cause sur le morceau qui l’intéressait vraiment. On rigolait bien dans ces situations.
DD : On était tous devenus des maîtres de la manipulation !
Certaines des démos que vous avez publiées il y a quelques semaines sont très proches des versions finales. D’autres moins. Je pense notamment à You Don’t Know Anything qui n’est encore qu’à l’état d’ébauche instrumentale. Est-ce qu’il s’agit vraiment d’une exception ou est-ce qu’il vous arrivait souvent que le texte et la mélodie principale soient créés après une première version du morceau ?
DD : Non, pour Apartment Life, nous avions une version préalable à la guitare avec la mélodie chantée et souvent une ébauche assez avancée du texte pour presque toutes les chansons. Quelques fois, les paroles pouvaient être modifiées, à la marge, au moment de l’enregistrement. Pour You Don’t Know Anything, c’était en effet un peu différent. Je crois que nous avons passé pas mal de temps à travailler sur cette mélodie dont nous n’étions pas totalement satisfaits. Pour Back In Our Town, c’était un peu pareil. Nous avions une trame mélodique très succincte et nous avons mis du temps avant d’aboutir à un résultat définitif. Ce sont vraiment les deux chansons qui ont le plus évolué au cours de l’enregistrement.
AC : Sur la démo de Back In Our Town, il y a même tout un passage qui ne figure plus dans la version définitive. Pour You Don’t Know Anything, je crois qu’au départ, il y avait juste un riff que je jouais de temps en temps, pendant les balances de nos concerts. Une sorte de boucle à laquelle la basse et la batterie se sont ajoutées rapidement. La mélodie n’est intervenue que bien plus tard.
J’ai trouvé que les versions plus dépouillées de ces chansons mettaient particulièrement en valeur certaines des influences vocales de Dominique – certaines chanteuses de Bossa, les interprètes gainsbourgiennes. Tu n’as jamais caché que tu n’avais pas vraiment eu l’intention de devenir chanteuse avant de rencontrer Andy et Adam mais quelles étaient tes références comme interprète quand tu as décidé de franchir le pas ?
DD : Je ne savais pas trop comment me situer par rapport à cette question des influences. Je n’y avais vraiment jamais pensé et je ne m’étais donc jamais dit que j’aurais envie d’avoir la même voix que telle ou telle chanteuse. J’ai débarqué un beau jour en studio et j’ai chanté parce que Andy me demandait de chanter. J’ai toujours été attirée, dans mes goûts musicaux, par les voix qui suscitent une impression d’intimité partagée, davantage que par les cris ou les démonstrations de puissance. Leonard Cohen, Chet Baker ou même Françoise Hardy : tous ces gens qui m’avaient donné la sensation, en les écoutant, d’être dans la même pièce qu’eux. C’est ce qui me touchait et que j’avais donc envie de recréer à ma manière. Un style très direct, en évitant le plus possible l’affectation surjouée.
AC : Quand je l’ai rencontrée, c’est vrai que Dominique appréciait déjà des chanteuses qui ressemblait un peu à celle qu’elle allait devenir : des chanteuses un peu réticentes, des chanteuses qui n’étaient pas forcément destinées à l’être. C’est le même charme qu’on retrouve dans sa voix : quelque chose de très marquant en dépit des imperfections techniques – Jane Birkin, Moe Tucker. La question n’est pas de savoir combien d’octaves on peut atteindre, c’est d’atteindre les bons au bon moment. Une grande partie du succès d’Ivy tient à la personnalité très singulière qui transparaît dans la voix de Dominique.
En matière d’intimité partagée, ces démos vont parfois assez loin. Vous avez choisi de les publier avec quelques imperfections, des fous rires parfois, des éléments qui restituent aussi l’ambiance de travail.
DD : Quelques jours après la disparition d’Adam, nous avons récupéré les droits sur une partie importante de notre catalogue. Nous avons décidé de retourner travailler avec notre ancien directeur artistique, celui qui nous a quasiment découvert et qui dirige aujourd’hui Bar/None. C’est lui qui nous a encouragé à replonger dans nos archives pendant presque un an. C’est en travaillant à la réédition vinyle d’Apartment Life que nous avons redécouvert ces démos. Nous avons décidé de les publier presque à l’état brut, sans rien retoucher : c’est ce qui nous semblait amusant et mignon à la fois et qui fait une partie de leur charme. Pour les fans, ça peut être intéressant d’entendre ce qui se passe pendant un enregistrement : parfois tu craques, parfois tu éclates de rire, parfois tu chantes un peu faux. Les musiciens sont parfois réticents à dévoiler ces coulisses mais tant pis. Peut-être même qu’Adam aurait été un peu choqué, lui qui était tellement attaché à la perfection.
AC : Oui, je pense qu’il n’aurait pas accepté aussi facilement d’exposer nos cicatrices et nos défauts en public. Mais, si jamais il nous regarde d’en haut je suis aussi persuadé que, dans ce contexte très particulier, il approuverait de tout son cœur. S’il avait été en vie, je pense que la question de publier ces démos ne se serait sans doute même pas posée : nous n’aurions pas été dans un état d’esprit aussi sentimental et nous n’aurions pas forcément eu envie de dévoiler ces morceaux. C’est la mort d’Adam qui nous a poussé à réévaluer à la fois les chansons que nous avons enregistrées ensemble et même l’ensemble de notre vie. Et puis merde ! C’est agréable de partager ces quelques moments de notre vie avec ceux qui s’y intéressent encore.