Si vous avez déjà entendu le nom d’Indigo Sparke, alors il y a de grandes chances pour que vous ayez connu et apprécié la musique d’Adrianne Lenker et de son projet Big Thief. Dès 2017, la complicité intime et artistique partagée par l’Australienne et l’Américaine conduit Indigo Sparke à assurer les premières parties de Big Thief en Australie. Elle joue alors les titres de Nightbloom, son premier EP, dont le secret reste d’abord gardé de son côté de l’océan. C’est en 2019, invitée au festival texan SXSW, qu’elle se fait repérer par NPR : le Tiny Desk Concert qui en résulte, début 2020, lui augure une belle année ; avant que l’univers n’en décide autrement.
Un an plus tard, et dans un monde différent, l’Australienne publie son premier album, Echo. Sans surprise, la production est signée Sparke, Lenker et Andrew Sarlo (producteur de Big Thief). Principalement écrit entre Los Angeles et New York, où il a également été enregistré, le disque n’a pas que cela d’américain puisqu’il est porté par l’un des labels indés les plus pointus du pays, Sacred Bones. Un label garant de beauté, mais aussi de noirceur : chez Sacred Bones, même la folk est sombre (Amen Dunes, Marissa Nadler, Emma Ruth Rundle…). Une signature à priori surprenante, qui prends en fait tout son sens à l’écoute d’Echo.
Le premier titre, Colourblind, insuffle à l’album la douceur qui l’enveloppera jusqu’au bout. Des guitares légèrement amplifiées et de fines percussions soutiennent le chant, dans une mélancolie pacifiée digne de Mazzy Star. Il suffit de quelques secondes pour que la séduction opère : avec une facilité déconcertante, Sparke amène sa voix dans des contrées célestes et déclenche, d’emblée, la grâce. Le charme perdure sur le deuxième titre, Undone. Plus grave, plus récitatif, son chant a quelque chose de PJ Harvey, comme sur Golden Age où sa détermination évoque l’inoubliable Let England Shake. Cette manière de déclamer ses paroles, habitée, presque mystique, rappelle aussi Patti Smith, sur la poésie parlée-chantée Dog Bark Echo notamment. Le thème du cosmos est omniprésent et sur Carnival, autre temps fort de l’album, Sparke se fait louve hurlant à la lune.
Peut-être parce qu’elle vient de l’océan, la musicienne semble profondément connectée à la nature et aux éléments. Très attachée au domaine visuel, elle dégage dans ses photographies et vidéos l’image d’une femme sauvage, libérée. Sur deux de ses clips – dont elle est la directrice artistique – elle danse sur sa musique, de manière très organique (Everything Everything, dernier titre d’Echo, et The Day I Drove The Car Around The Block, titre sublime paru en décembre 2018, isolément de l’EP et de l’album).
Echo n’est pas totalement homogène, Bad Dreams est un peu sinistre, Wolf et Baby émeuvent moins que les autres titres. Il y a toutefois beaucoup d’élégance dans cet album, et plusieurs moments d’éclat. Ce que l’Australienne a de rare, à l’instar d’Adrianne Lenker, c’est sa sincérité, sa sensibilité exacerbée. Regarder ces femmes jouer, c’est voir la musique s’écouler de tous leurs pores ; les écouter, c’est recevoir de l’émotion brute. Certains semblent avoir été désignés à la naissance pour être ces « passeurs » d’émotions ; quelle chance nous avons lorsqu’ils sont découverts et entendus.