50 ans. La Northern soul a 50 ans, plus jeune que moi, la saleté. Ce courant musical, ou plutôt cet état d’esprit bâti sur un empilement de 45 tours de raretés soul des années 1960, resta longtemps en France un clin d’œil élitiste entre ex-mods et ceux qui prenaient la peine de lire les crédits des morceaux de The Jam ou de Soft Cell. À en croire la BBC, “Le Wigan Casino a organisé sa première nuit blanche de Northern Soul le 23 septembre 1973. (…) Pendant huit ans, le club a été l’épicentre d’une sous-culture musicale improbable. Ces chansons soul à haute énergie – dont la plupart avaient été enregistrées par des artistes noirs américains, mais avaient échoué lors de leur sortie originale dans les années 1960 – ont été redécouvertes par des DJ à Wigan, Stoke et Blackpool. Ils ont fédéré une large base de fans anglais enthousiastes, qui ont développé leur propre danse très athlétique”.
Naturellement, nous savons fort bien ce qu’il faut penser des anniversaires du punk, du hip-hop etc., ces pseudos fêtes commerciales au goût de Black Market ou de coffrets commémoratifs. Toutefois, impossible de le nier. La perfide Albion sait s’approprier comme personne le bien d’autrui et y écrire sa propre légende. François Villon n’aurait pas fait mieux. Ainsi, le skinhead reggae finit par désigner certaines productions jamaïcaines (de Harry J ou Clancy Eccles), lourdes et hypnotiques qu’écoutaient en boucle à la fin des années 1960 de jeunes garçons en Harrington et Doc Marteens aux confins de l’East London. Par la suite, le ska version The Specials (qui puiseront aussi dans le répertoire northern soul) ou de Madness éclipsera presque l’original. Puis, dans le nord, voici un demi-siècle, un mouvement est né. Des Dj’s égaillèrent une jeunesse qui découvraient les drogues synthétiques au son de single plus au moins obscurs de chez Wand, Shrine ou Brunswick Records. Maxine Brown, The Montclairs, Don Thomas, The Impressions (ou se dissimulait déjà le génie de Curtis Mayfield) ou Gene Chandler deviendront les stars d’une culture qui se foutait bien d’être underground ou mainstream. Et surtout ce son, cette soul uptempo, dont la quintessence populaire se déniche chez Motown, va profondément marquer l’Angleterre, y compris la scène pop. The Jam, The Stone Roses, Dexys Midnight Runners, Saint Etienne, The Verve, sans oublier le hit de Edwyn Collins A Girl Like You ou la reprise de Time Will Pass You By par Kylie Minogue. Et de notre côté de la Manche, un certain Bertrand Bonello a compris ce souci de l’élégance si singulier : “Je suis passionné par la soul afro-américaine qui faisait danser les Anglais dans les années 1970 (la northern soul). Des morceaux secs et bouleversants, pleins de réverbération et sur lesquels les types se donnent à fond comme s’ils allaient mourir dans l’instant. C’est à la fois très tendu et très sentimental. Parfait pour Saint Laurent”.