Une décennie que Guerilla Toss se démène dans son coin, ne sachant jamais tout à fait où mettre le curseur entre noise rock mal fagoté et art pop cinglé. Recruté chez DFA en 2015 où il a déjà signé une poignée d’albums, le groupe américain est exceptionnellement de retour sur son label originel NNA Tapes pour un EP cinq titres aux allures de nouvelle réinvention. La porte d’entrée idéale pour ceux qui avaient raté les chapitres précédents. Et il faut dire que What Would The Odd Do? donne terriblement envie de (re)faire connaissance avec le quintet, celui-ci balançant coup sur coup une série de missiles dance-punk irrésistibles et farfelus.
Spontanément, on pourra penser au Deerhoof de la fin des années 2000, mais qui aurait décidé de garder sa section rythmique bien en place en la branchant sur des plans discos qui démangent les chevilles. En commun cependant ce sens de la mélodie impitoyablement majeure, poppy jusqu’à l’excès, sonnant comme des comptines enfantines sous speed, à la frontière entre crispation et jubilation. Un positivisme crétin et irrésistible que déblatère à merveille Kassie Carlson au micro, avec sa voix bubblegum se fondant à merveille dans le grand fatras de guitares cradingues et de claviers extravagants, sur un tissu sonique technicolor fourmillant de détails.
Future Doesn’t Know est l’exemple parfait de cet étrange breuvage énergique, avec ses couplets impairs qui viennent vrombir dans les tripes avant de décoller sur un refrain façon new-wave-garage-prog, énorme plaisir sucré fourré à la dynamite. Ailleurs, Moth Like Me fait bifurquer ses arpèges maniaques en ascenseurs vers une grande chorale pop entêtante tandis que Plants s’obstine avec une ligne de basse aussi sexy que bourrine, sur laquelle se déposent des mélodies en apesanteur. Sans oublier le morceau-titre, improbable ouverture néo-psychédélique feel good aux harmonies solaires. Pas un temps mort, pas un faux pas. Dix-neuf minutes de groove électrique pour les gens qui n’ont pas le temps de faire autre chose que de danser de manière turbulente. Court-circuit en circuit court. Direct dans la gueule.