Je me sentais, ces derniers jours, comme dans ce fameux clip de Depeche Mode, Behind the Wheel. Un monde en ambiance grain noir, me retrouvant en béquille et imperturbablement amoché sur le bord d’une route. Et puis, au loin sur le dos rond d’une route perdue, la petite vespa de l’espérance arrive. Ce n’est pas rien une petite vespa de l’espérance, parfois c’est une vie. Je quittais donc la lecture d’une merde insipide : Là où chantent les écrevisses, que je vois se vendre comme des petits pains en librairie, pour reprendre une comparaison christique. Un miracle gluant. Pas encore totalement remis du relent sucré de bons sentiments du roman de Delia Owens, il me fallait un alcool fort. Le livre de Patrick Cloux arrivait idéalement. Hommage à André Hardellet – qui aurait bien rigolé des merdes indignes postées sur instagram afin de promouvoir un livre – oui, Hardellet, cet écrivain invisible de la mondanité, hyper-sensible et provocateur se présentant comme l’antidote idéal à tout ce fatras. Lourdes, lentes… voilà un livre talisman qui lave un peu le prurit éditorial actuel, un indispensable de l’auteur qu’il faut lire. Je discutais récemment avec l’ami Guy Darol de la beauté du Seuil du jardin. On est si peu de fidèles lecteurs et lectrices d’Hardellet face aux 4,5 millions- ou bien plus- d’exemplaires écoulés par Owens. Ces chiffres ont tellement le goût d’une victoire pour moi… Il y a plus d’une année, avec une amie, on lisait Passion Simple d’Annie Ernaux. Entassée dans un petit restaurant italien du 5 ème arrondissement de Paris, elle vociférait sur certaines phrases, sur des broutilles de style. Ce livre l’énervait. Je me suis tellement marré à l’entendre débiter ce livre que je n’ai jamais réellement pris au sérieux le roman d’Ernaux. À vrai dire, je suis allé voir le film pour Lætitia Dosch, cette énergie pure, charnelle et drôle. L’adaptation de Danielle Arbid est belle et présente la passion comme ce qu’elle est : un sublime pot vide qui attend son bouquet de fleurs. Comme tout le monde, j’ai parfois fait le pot et d’autres fois le bouquet. Pour finir avec la métaphore florale, il faut parler d’amour. L’amour, c’est voir une fleur éclore malgré le soleil ou les averses – merde, je suis encore sous l’influence des Écrevisses sur le coup. Les archives marécageuses des Beach Boys sortent de temps à autres des grâces. Des moments tellement forts qu’une journée se retrouve chamboulée. Ainsi va de l’indescriptible Surf’s Up – A Cappella. Là, clairement, le sublime des voix vient vous inciter à désirer la plus aventureuse des lignes d’horizon. Gardons la tête haute – soyons exigeants.
Grain Noir – André Hardellet, Annie Ernaux, The Beach Boys
Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine