Gisèle Pape, Caillou (Finalistes)

Gisèle PapeC’est la lumière qui éblouit d’abord, un Soleil Blanc qui emplit tout l’espace et s’étire entre l’oreille et le monde. C’est la lumière d’un petit matin clair, le silence posé sur un bord de route où Gisèle Pape amasse des cailloux qu’elle sème, comme une petite Poucette, pour retrouver son chemin, ou plutôt ce qu’elle nomme dans le titre qui ouvre l’album, Le Chant des Pistes. Partout la terre qui se frotte à l’humanité, la terre malmenée par les hommes et les rêves qu’on piétine, des sujets empreints de gravité et traités avec une légèreté qui n’est qu’apparente, car tout est noir dès qu’on éteint la lumière.

Le corps est omniprésent dans les chansons de Gisèle Pape, le corps tendu des Nageuses est-allemandes comme la Peau Fine d’une fille qui guette l’aurore. Le corps est à lui seul un paysage vertical et horizontal, nourri et repu des éléments qui l’entourent. Et tout cela s’entend, le chant des oiseaux, l’écoulement de l’eau, les pas qui s’enfoncent dans la terre, oui tout cela s’entend aussi dans les cordes sèches de la guitare et dans l’usage parfait des synthétiseurs, pas si éloignés de ceux de Laurie Anderson, dentelle électronique posée ça et là, psalmodies pulsées, par une musicienne qui a étudié l’orgue liturgique. Ce sont bien des chants, des incantations et Gisèle Pape est un peu sorcière, elle en appelle aux orages, au bestiaire merveilleux, aux secrets qui pourraient encore sauver un monde qui va mal, un monde asphyxié, un monde irradié par la folie humaine.

Et puis au milieu de tout cela, il y a cette voix. Limpide, pure, sur le fil, comme si la grâce du monde entier avait fait son nid dans les cordes vocales de la chanteuse. Cette voix pourrait parfois rappeler le phrasé de Françoiz Breut ou celui de la trop méconnue Luciole, cette clarté presque transparente de celles qui doucement nous chuchotent des légendes, des histoires de magie et de forêt, d’oiseaux et de branchages, de Serpent Lune et même de lucioles, tiens donc, la lumière dans l’obscurité toujours. Car la lumière, même fragile, reviendra, l’espoir reviendra, tout nous reviendra. « Si la fête est loin d’ici, sur ta peau tressaillent encore les battements de la nuit ».

Avec ce premier album à l’élégance minérale et à la force d’évocation charnelle, Gisèle Pape ouvre sa main et nous la tend. A l’intérieur repose un caillou, et il est magnifique.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *