« On connaît tous les arrangements de tous les morceaux, on connaît tous les enchaînements du DJ, on peut même jouer au guitar hero, on sait mimer les parties de synthé «
Le plus court chemin, la fameuse voie du désir, du musicien vers le cinéma serait donc la comédie musicale, via le court-métrage. Barbara Carlotti passe derrière le miroir en adaptant sa chanson la plus imagée, en plus d’être la plus évidemment autobiographique : Quatorze ans est présente sur mon album préféré de la dame, L’amour, l’argent, le vent (2012) et raconte son adolescence passée à danser dans des petites boîtes de nuit de Corse.
A l’écran, la région apparaît, d’ailleurs, apaisée, beau décor nocturne ou paysage ensoleillé, enfin débarrassée de l’imagerie violente qui la pollue d’habitude. L’île est ici la toile accueillante de la nuit d’une jeune fille (à la troublante ressemblance avec la chanteuse) qui marche accompagnée de deux amies pendant des heures à travers le maquis et les routes tortueuses pour rejoindre une boite de nuit, après s’être débarrassées des parents (hors-champs, pas méchants). C’est l’occasion pour elles de chanter, de danser, dans la rue et sur la piste de danse, des mini-tubes innocents sur des chorés simples et entraînantes. On a envie de traîner avec elles plus longtemps, de les écouter, de les connaître même (les actrices sont toutes à leur aise) mais le court-métrage est par essence un exercice de frustration, ou de joie précoce, il faut faire vite, et c’est réussi.
Outre les figures tutélaires évidentes (Demy-Legrand), je convoque leurs enfants et petits-enfants, en forme de panthéon perso : Jeanne et le garçon formidable d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau (1998), les plans de Benoit Forgeard (Gaz de France) ou de Serge Bozon (La France), La nuit tombée de Gaël Lépingle… Après cette glissade fort réussie dans le toboggan du genre, avec la chanson valise Let’s play comme sommet imparable, sorte de mini Rockollection new wave, Barbara Carlotti fait basculer le dernier tiers de son film tout à coup nimbé d’instrumentaux planant dans une étrange dimension : elle met de côté le versant naïf et sucré de son film, et suit les personnages, la jeune fille et ses amis – deux prétendants, zobs à l’air, ont remplacé les deux copines – dans leur trip matinal en compagnie d’une sorcière locale, entre une mystique glacée à la Brisseau, sans son âpreté érotique, ou une poésie primitive à la Mandico (il est cité dans le générique) sans la saturation onirique. En médaillon : un plan magnifique, celui où le film bascule, un baiser adolescent sous un ciel étoilé, gel sombre et mouvant parsemé de paillettes, beau et fuyant comme le souvenir d’un amour estival.
Quatorze ans de Barbara Carlotti (France – 2019) est projeté au festival FAME, samedi 15 février à 21h45 à la Gaîté Lyrique à Paris.
Sortie de la B.O. du film autour du 15 février en numérique.
Bravo à Barbara carlotti pour cette prouesse de court métrage essentiel sur notre adolescence moitié vécue moitié rêvée. Souvenirs ou fantasmes à toujo RS aussi vivaces à 45 ou à 55 ans et pour toujours présents. Allongés dans l herbe sous le ciel étoilé ou autrement ou s y reperd. Pour ceux qui aiment Demy Varda Legrand mais Rohmer aussi, et les claviers électroniques et les boîtes à rythmes, plus rock and Roll que Iggy pop. À bon entendeur…