Si Etienne Daho vient de sortir un nouvel album (Tirer la Nuit sur les Etoiles) tout a commencé quarante deux ans plus tôt, en 1981 avec Mythomane (Virgin). Né à Oran, le destin d’Etienne Daho est pourtant étroitement lié à la scène rennaise du début des années 80. Le chanteur navigue avec aisance dans cet environnement. Il organise des concerts (Stinky Toys), sympathise avec Hervé Bordier. Ce dernier, disquaire, cofonde les Transmusicales, Etienne Daho y joue les deux premiers années, avec Entre les Deux Fils Dénudés de la Dynamo, en 1979 et en solo l’année suivante. Etienne Daho gravite alors dans cette ruche photographiée par Pierre-René Worms.
Celle-ci bénéficie d’une couverture nationale grâce au Marquis de Sade. Leur premier album, Dantzig Twist marque les esprits et entraine dans son sillon de nombreuses formations bretonnes : Frakture, UV Jets, Sax Pustuls ou Les Nus (fondé par un de membres du Marquis de Sade). Etienne Daho enregistre des démos avec Frank Darcel (du Marquis de Sade). Celles-ci conduisent Virgin à signer le jeune chanteur. Pour Mythomane, Daho s’entoure ainsi de ses amis croisés au fil des années. Jacno réalise le disque, tandis qu’Elli travaille sur la pochette. Surtout, une grande partie du Marquis joue sur son disque. En plus de Frank Darcel, Etienne Daho peut compter sur Thierry Alexandre (basse), Eric Morinière (batterie) et Philippe Herpin (saxophone). Sylvie Coma, une amie du chanteur, joue également du piano. Le Marquis de Sade se sépare en deux groupes. Nous retrouvons sur Mythomane, l’ossature d’Octobre.
Le premier album de Daho explore ainsi des sonorités proches du groupe rennais. Loin de la pop synthétique qui l’a fait connaître au grand public, Daho pratique une pop moderne, un pied dans la new-wave, l’autre dans un glacis funk. Les Français ne sont pas les seuls sur ce créneau. Du Royaume-Uni (Orange Juice, Spandau Ballet, Haircut 100, ABC), en passant par l’Espagne (Alaska Y Los Pegamoides), tous pratiquent une musique organique mais dansante. Cette conviction dancefloor, Daho l’a acquise en passant des disques au Batchi à Rennes. Il n’a cependant pas renoncé à ses obsessions de jeunesse (Velvet Underground, Pink Floyd des débuts).
Tout cela contribue à faire de Mythomane un disque unique. La voix si particulière du chanteur rennais y égraine des textes sur les relations humaines, surtout amoureuses. Il ne Dira Pas, en plus d’ouvrir l’album, en offre peut être la meilleure porte d’entrée. Guitare claire, cocotte funky, ligne de basse charpentée et rythmique insistante : les intentions sont claires. La suite confirme (Ton Cinoche, Encore Cette Chanson), car Daho pioche aussi chez les yéyés (Mes Copains, Tu dors encore) et s’autorise à ralentir la cadence (On s’fait la gueule, Mythomane). En dix chansons, ce premier album offre un ensemble cohérent et resserré. Mythomane s’apprécie d’une traite, comme un shot. Si l’album n’a qu’un succès commercial modéré, il ouvre à Etienne Daho les portes d’une magnifique carrière qui se poursuit jusqu’à nos jours. Mythomane est un charmant (et réussi) artefact de son époque ; il accompagne les vagabondages d’une génération encore un peu punk mais pas totalement tentée de faire table rase du passé.