On ne peut être plus actif que Bertrand Betsch en 2021. Il a coup sur coup sorti deux albums ces dernières semaines, via la structure Microcultures pour notifier poliment qu’on peut toujours compter sur lui : Demande à la poussière et Orange bleue amère, deux manières de mettre en danger son écriture de porcelaine noire et de la secouer dans tous les sens par l’électricité et les rythmes. Être et avoir été, une des équations à résoudre pour nombre d’artistes Lithium, après des débuts en fanfare, portés par cette structure si atypique et discrète, mais à l’empreinte très forte : on peut dire que BB ne s’en sort pas trop mal avec une quinzaine d’albums en héritage depuis. Il revient sur ses premières années pour Les Années Lithium.
Bertrand Betsch : Mon histoire avec Lithium commence en 1995. Je fais alors mon service militaire à Paris dans une caserne située à Port Royal. J’ai la chance d’avoir mes week-ends de libres et de rentrer chez moi tous les soirs. Depuis quelques années, je couche, sur mon 4 pistes, de nombreuses chansons. Mon meilleur ami, Fernand, est la seule personne à écouter mes productions. C’est lui qui me pousse, en mai ou juin 1995, à envoyer mes maquettes à des maisons de disques. Je prends mon courage à deux mains et sélectionne une dizaine de chansons que je compile sur une cassette. Quelques années plutôt, alors que je forgeais déjà mon style, j’étais tombé sur le premier album de Dominique A qui m’avait fort impressionné et surtout troublé, en cela que ses chansons minimalistes et lo-fi présentaient une similarité avec mon travail d’alors. C’est avec une certaine évidence que j’envoyais alors ma cassette à Lithium. A Lithium et personne d’autre – tout simplement parce que je ne voyais pas à qui d’autre. Trois ou quatre jours après l’envoi de mes maquettes, Vincent Chauvier me téléphone pour me dire qu’il aimerait me rencontrer. Il habite alors dans le XXe arrondissement (rue Planchat) un rez-de-chaussée qui lui sert à la fois d’appartement et de local pour sa maison de disques. L’impression très forte que je garde gravée dans ma mémoire est le fait que l’appartement est tellement sombre que l’on ne distingue même pas les murs. Vincent se montre affable et me dit tout le bien qu’il pense de mes chansons. Toutefois, avant de me signer, il me dit qu’il veut entendre d’autres choses. Durant les mois qui suivront, je composerai à marche forcée des dizaines de chansons que j’irai régulièrement glisser dans sa boîte aux lettres sans même sonner à sa porte. J’habite alors à deux pas, à Nation. En novembre il me dit qu’il est définitivement conquis. Janvier 1996, je signe mon contrat avec Lithium. La date d’entrée en studio est fixée au mois d’août. Nous sélectionnons une grosse vingtaine de chansons au sein de mon répertoire qui compte déjà plus d’une centaine de titres. Je continue de produire de nouvelles chansons tout en m’appliquant à coucher sur partitions toutes les parties instrumentales sachant que je ne pourrai jamais les reproduire de mémoire. Au printemps, Vincent me présente Christian Quermalet (leader des Married Monk), lequel produira l’album et jouera de la batterie, de la basse et quelques guitares. Nous calons une séance de répétition de deux heures dans un studio parisien juste pour voir si ça colle entre nous. Le courant passe. Christian restera (et reste encore aujourd’hui) un de mes plus ardents supporters.
Bertrand Betsch et Pascal Bouaziz / Photo : Loïc Jouan
Quand tu sors ton album en 1997, le label est déjà bien lancé, avais-tu l’impression de rejoindre sinon une famille, du moins des proches dans l’approche de la chanson et de la musique ?
Bertrand Betsch : Je ne connaissais que le travail de Dominique A. Je découvrirai plus tard le premier album de Diabologum (que je déteste), le second (que j’aime beaucoup) et le troisième que je n’écouterai jamais vraiment jusqu’au bout. La grande campagne de signatures de Lithium se fera dans la foulée de la mienne : Mendelson, Da Capo, Françoiz Breut, Jérôme Minière, Delaney… Lithium n’a jamais été une famille ou un clan. Je ne côtoierai Pascal Bouaziz (Mendelson), Dominique A, Françoiz Breut, Sacha Toorop que lors de la tournée Lithium (triple affiche : Mendelson / Bertrand Betsch / Françoiz Breut) qui se déroula autour d’une vingtaine de dates entre septembre et octobre 1997. Après, je croiserai un peu tout le monde, mais pas de façon régulière. Je ne saurais dire si cela vient du fait de mon côté un peu asocial ou de l’absence de volonté manifeste de Vincent de créer une famille (ou les deux) mais il n’y a jamais eu de clan Lithium. Cela étant dit, certaines accointances se sont révélées au fil du temps, notamment entre Pascal Bouaziz et Michel Cloup qui seront amenés à travailler ensemble. Par ailleurs Michel connaît bien Dominique A pour avoir tourné avec lui et enregistré son deuxième album, Si je connais Harry. Quant à mes relations avec Vincent, elles sont très soutenues. Vincent est un grand bavard et, au moins une ou deux fois par mois, on se retrouve dans un bar (je suis souvent accompagné de Hervé Le Dorlot, mon premier guitariste) où nous éclusons beaucoup de bières en refaisant le monde (essentiellement celui de la musique). Vincent est un passionné. C’est le mec le plus passionné du milieu du disque qu’il m’ait été donné de croiser dans ma carrière d’artiste. Il défend ses poulains bec et ongles. Il a une foi absolue en ce qu’il sort. Il a aussi un caractère très fort. D’où parfois, des rapports assez tendus entre nous deux car à l’époque je ne suis pas du genre à arrondir les angles. Mais jamais notre estime réciproque n’en sera altérée. Pour autant, je ne pourrai jamais parler de véritable amitié entre nous. Vincent est un homme secret, un loup solitaire, un homme charmant et attachant également mais toujours sur la réserve, maintenant comme une distance nécessaire. Nous partagerons beaucoup de choses ensemble, et même parfois des choses intimes, mais une grille de sécurité ne sera jamais franchie, sans quoi nos rapports de travail eurent été trop compliqués. On s’engueulait parfois. On s’affrontait. Mais jamais l’on ne se fâchait. Ce qui m’a le plus marqué à l’époque est que Vincent croyait à fond en moi. Je dois bien avouer qu’il croyait alors beaucoup plus en moi que je ne croyais en moi. Avec le recul je pense que, sans lui, je n’aurais pas forcément osé me jeter dans le grand bain. Son caractère a forgé en partie le mien. Son envie, la mienne. Il a été mon tuteur, mon révélateur, c’est lui qui a allumé la mèche. Je lui dois beaucoup, énormément. Quelle aurait été ma destinée s’il ne m’avait pas signé ? Et qui d’autre, à l’époque, aurait eu la folle idée de me signer ? A mon avis, personne. Sans lui, je serais resté lettre morte. (La suite dans Les Années Lithium !)
HIT HIT HIT 7/8 : 6 apparitions de Dominique A. hors Lithium
(Proposez-nous vos sélections thématiques les plus surprenantes, les plus pointues, et gagnez un volume des Années Lithium !)
01. Françoiz Breut, Landemer (Bilbo Products)
Brian Bulb ?
02. Dominique A & Sylvain Vanot, Damoclès My Friend (Ad Libitum Pop)
03. Dominique A, Milena Jesenska (Kung Fu Fighting Recordings)
04. Dominique A, L’attirance (Acuarela)
05. Yann Tiersen, Les bras de mer (Labels)
06. The 6ths, Just Like A Movie Star (Circus Records)
(une suggestion de chr dans les commentaires, merci !)
JE ME SOUVIENS DE LITHIUM
L’anecdote de Philippe Dumez
Je me souviens de l’interview de Bertrand Betsch dans Prémonition : “Après La fossette, on est passé à une autre façon de faire de la chanson française.”
(Bertrand Betsch / Photo : Olivier Roller pour le magazine Polystyrène, 1998)
Oh… pas celle-là ?
https://www.youtube.com/watch?v=omGkKs9LC-c
Quand même !
mais oui ! carrément ! 🙂