Erlend Øye, Winter Companion (Bubbles Records)

C’est bien le genre de la maison, ça. Attendre que le printemps frémisse pour réaliser un disque dont le titre est sans équivoque : Winter Companion. Un hiver, son froid et son heure qu’on a laissés sans regret derrière soi pendant que ce gars-là le passait du côté du Mexique, mais suffisamment désœuvré pour avoir l’envie d’enregistrer une poignée de chansons – cela dit, Erlend Øye semble être toujours comme ça : suffisamment désœuvré pour avoir envie d’enregistrer une poignée de chansons.

Depuis la première rencontre, un soir d’automne à Amsterdam avec Kings Of Convenience, il est ainsi : volubile, facétieux, bavard (dans le bon sens du terme), avec des histoires et des anecdotes à foison. Avec des chansons plein les poches aussi. D’ailleurs, sa discographie lui ressemble, jubilatoire, surprenante, exotique même parfois, sorte de feu d’artifice sonique et mélodique, faite d’escapades solitaires et de collaborations liées à l’amitié et aux rencontres inopinées – qui ont ainsi entre autres donné naissance à The Whitest Boy Alive ou La Comitiva. Cet EP solo mais enregistré avec l’aide de quatre camarades – dont l’artiste Clara Cebrián, déjà croisée au moment de Quarantine At El Ganzo enregistré lors du confinement surréaliste de 2020 avec le batteur de TWBA,  Sebastian Maschat – est une collection de sept chansons sans prétention, cinq originales et deux reprises – un art dont on sait combien il est maître, en particulier depuis sa version indémodable et éplorée du Last Christmas dequivoussavez, parue sur la compilation Seasonal Greetings il y a de cela vingt ans (et presque douze mois).

Avec Winter Companion, on est finalement ici pas si loin de tout ce qui fait le charme indémodable de Kings Of Convenience : mélodies qui vous prennent dans leurs bras dès les premières secondes, équilibre parfait entre légèreté désabusée (Spider, en ouverture) et mélancolie enjouée (Shadow In The Water, à la suite), guitares toutenbois dont les pincements des cordes sont autant de pincements aux cœurs. Avant un clin d’œil appuyé au One Note Samba d’Antonio Carlos Jobim (Two Chords Samba, en guise de conclusion doucement ensoleillée), Erlend Øye a placé deux reprises. Au sujet de la première, New For You – une chanson sur les sentiments jouée en clair obscur dans une jolie version douce-amère – j’ignorais tout, à commencer par l’existence de ses compositeurs, The Moore Brothers (deux Californiens dont le premier album a paru sur un label fondé par un gars de Pavement – ceci explique peut-être en partie cela) ; la seconde est une autre paire de manches (de guitare acoustique) : cette fois, toujours dans l’intimité, Erlend Øye offre avec une sensibilité parfaite et une fragilité qui file le sourire une interprétation tout en retenue et élégance de Wichita Lineman, ce chef d’œuvre de 1968 imaginé par Jimmy Webb et popularisé par Glen Campbell. À peine trois minutes de beauté absolue et voilà de quoi métamorphoser ce Winter Companion en disque qui se moque bien des saisons. Un disque comme hors du temps.


Winter Companion par Erlend Øye est sorti sur le label Bubbles Records. Kings Of Convenience est en tournée française ce printemps.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *