Après plusieurs années au sommet des hit parades, l’italo disco a fait pschitt vers 1987 – 88, surpassée par l’indie rock, la techno et la house qui passionneront la décennie 90. Pourtant dans l’ombre, des collectionneurs ont continué à louer sa grandeur. C’est la ténacité d’aficionados hollandais ou australiens, véritables passeurs, qui va présenter ce genre, souvent raillé pour ses excès stylistiques à une nouvelle génération, aguerrie aux sonorités synthétiques et sans doute plus ouverte d’esprit. Depuis le début du siècle, des collectifs et des artistes ont ainsi rêvé l’âge d’or de l’italo disco et rejoué ses mélopées dansantes.
Jetti Steffers
Entre 2013 et 2019, Jetti a dirigé BAR à Rotterdam, l’une des meilleures raisons de danser sur le continent européen. Avec sa devise chipée aux Talking Heads (This Must Be The Place) et son design d’inspiration variable, de Lawrence Weiner à Memphis sans oublier l’esthétique de Factory Records, le lieu a attiré les meilleurs Dj’s pour des soirées mémorables. Fermé récemment, l’esprit du club se décline désormais au sein du label BAR Records, et événements hors les murs.
Ton premier souvenir ou ta première rencontre avec l’italo disco ?
C’est assez cliché mais j’ai découvert l’italo en écoutant le fabuleux Mixed Up In The Hague, le mix d’I-f, à l’âge de dix-sept ans, grâce à un de mes voisins qui m’avait prêté le disque. Cette mixtape m’a impressionné dès le début, mais m’a rendue vraiment dingue quand j’ai entendu le titre Take A Chance de Mr. Flagio.
Quelle serait ta définition de l’italo disco ?
Ce serait à mon avis une version émouvante du kitsch, ce qui n’est pas péjoratif car j’adore tout ce qui est kitsch.
Qui est ton héros italo ?
Je me rappelle Dora Carofiglio, ou d’autres personnes dans son genre, qui sont les voix de l’italo disco mais qui ne sont créditées nulle part. Dora était la première chanteuse derrière Valérie Dore, mais aussi d’Alba ou de Novecento.
Ton top 3 italo ?
Mr. Flagio Take A Chance sera toujours mon titre préféré, parce que c’est celui que j’ai découvert et adoré en premier.
Decadance On And On (Fears Keep On), est vraiment très sombre et très new wave, mais finalement magnifique.
Ghibli I’m Looking For You (Instrumental), qui est un titre horrifique vraiment bizarre et très dramatique. Même si je ne suis pas certaine que ce soit vraiment de l’italo à cause de sa vitesse. En tout cas pour moi il l’est.
Un exemple d’italo chanté en francais ?
Le premier exemple qui me vient est Quand tu Pars de Rose Laurens.
Le morceau le plus guilty pleasure à tes oreilles ?
Alba Only Music Survives, même si je m’interroge sur ce qu’est un guilty pleasure dans l’italo et ce qui ne l’est pas.
LeonxLeon
Le jeune producteur français s’est fait découvrir sur le label italo Red Laser du côté de Manchester, avant de signer Rokanbo, un premier maxi sur Cracki Records. Au-delà de son talent créatif, le Dj participe également au travail de fourmis du collectif Les Yeux Orange, et notamment à la série d’edits qu’ils produisent, Good Plus, pour modifier d’obscures trouvailles en les rendant plus désirables sur le dancefloor.
Ton premier souvenir ou ta première rencontre avec l’italo disco ?
C’était il y a bien longtemps déjà, en 2003 je pense, avec la découverte du Cybernetic Broadcasting System, la radio créée par I-f. C’était bien lui le pape du revival italo disco en Hollande, notamment avec Mixed Up In The Hague, le fameux mix de 2000 qui a véritablement relancé le genre. Même s’il ne se passe pas une année sans que je ne voie un article annonçant le revival de l’italo ! Le premier morceau que j’avais entendu et qui m’avait scotché d’emblée, comme tant d’autres, c’était Spacer Woman de Charlie.
Quelle serait ta définition de l’italo disco ?
J’aime beaucoup cette définition entendue il y a longtemps de « disco triste« . C’est ce que j’aime dans ces harmonies, la mélange de désuétude et de tristesse irréelle, comme une incantation venue d’un monde lointain, idyllique mais inaccessible. D’un point de vue plus musical, c’est une des premières musiques électroniques ayant atteint un véritable succès populaire comme musique tout court et non pour son aspect de curiosité technologique. Ce sont les harmonies et les constructions du disco, mais avec une boîte à rythme à la place du batteur et un synthé à la place de la section cuivre, car c’est beaucoup moins cher. L’absence d’enjeu économique – comprendre le côté cheap et rapide – dû à l’absence de musiciens à payer a permis les plus grandes folies créatrices et des morceaux extrêmement novateurs… et aussi de belles horreurs !
Quel est ton héros italo ?
Je ne vois pas vraiment de producteur de l’époque qui sortirait du lot. Étonnement beaucoup de morceaux exceptionnels ont été produit par des producteurs n’ayant fait qu’une incursion temporaire dans le genre : par exemple le meilleur Lp à mon avis, celui de Nemesy Nemesy, a été fait par deux producteurs qui n’ont jamais rien fait de significatif avant ou après ce chef d’œuvre. Pourtant certains producteurs tels que Maurizio Sangineto ou Tony Carrasco ont quand même constamment délivré des bombes. Mais s’il ne fallait vraiment retenir qu’un seul héros, ce serait Flemming Dalum, le dj hollandais mythique et toujours actif, qui a connu l’italo à ses débuts et a réalisé des mixes incroyables, balayant les pépites connues et inconnues du genre tout en incluant ses dérivés actuels.
Ton top 3 italo ?
C’est vraiment difficile pour moi, ce serait plutôt un top 300 ! C’est le genre de question à laquelle je pourrais répondre autre chose demain, mais on va dire :
I.M.S. Run Away, qui par contre sera toujours dans ce top car c’est mon morceau préféré de tous les temps !
Un exemple d’italo chanté en francais ?
Pas si facile ! Il y a bien quelques titres fin 80 plutôt hi-NRG dont on se lasse assez vite je trouve, comme par exemple Christophe Jenac Nous N’avons Pas Choisi Ce Monde. A l’âge d’or de l’italo entre 1981 et 1984, les Français n’étaient pas présents, car ils faisaient plus de la funky (Élégance, Chagrin D’Amour notamment). Je vais quand même citer Anita Amoureuse, réédité récemment par Hysteric !
Le morceau le plus guilty pleasure à tes oreilles ?
C’est toujours un peu guilty, mais c’est vrai qu’il y a plusieurs degrés. Dans le genre paroles vraiment et totalement stupides et jouissives, on peut citer Tom Hooker Real Men : Quand on te lance la balle tu dois courir pour ta vie / Le football c’est le vrai sport / Où tu apprends à combattre la douleur / Et prouver à tout le monde que t’es un vrai homme. Mais la version instrumentale est monstrueuse et ultra efficace en club, même s’il faudrait sans doute en retirer les petits breaks de guitare…
Qui est le digne héritier de l’italo disco aujourd’hui ?
Pour sortir des habituels – tous excellents mais reconnus – Flemming Dalum, Hysteric ou I-f déjà cités, ou aussi David Vunk ou Casionova, j’aimerais souligner le travail de Fredag i Firenze, un groupe de dj’s danois qui sortent des edits excellents et des mixes de 4 h 30 dans lesquels je découvre toujours des nouvelles pépites. J’aimerais bien les rencontrer car leur culture est vraiment impressionnante. Concernant la production, j’ai été super impressionné par les démos de Kendal, un jeune Toulousain qui sort un Ep sur Moustache Records, le label de David Vunk.
Josh Cheon (Dark Entries)
Le label de San Francisco fête ses dix années d’existence, passées à rééditer à une fréquence incroyable des joyaux méconnus ou totalement oubliés des années 80. Les plus hauts faits de Dark Entries demeurent l’exhumation de bandes sonores incroyables de Patrick Cowley ou la réhabilitation d’artistes hors norme comme Dark Day, Severed Heads, X Ray Pop ou Lena Platonos. Sa division Dark Entries Editions se consacre à la rédition de maxis classiques italo.
Ton premier souvenir ou ta première rencontre avec l’italo disco ?
J’avais écouté la fameuse compilation The I-Robots Italo Electro Disco Underground Classics sur Irma Records, à la radio de la fac en 2004.
Quelle serait ta définition de l’italo disco ?
C’est une musique riche en émotions et en mélodies.
Quel est ton héros italo ?
C’est difficile pour moi d’en isoler un seul, mais je citerais volontiers le tandem de producteurs Franco Rago et Gigi Farina, qui a eux deux ont sorti pas mal de grands disques sous diverses identités : Wanexa, Expansives, Decadance ou ‘Lectric Workers notamment.
Ton top 3 italo ?
Some Bizarre Don’t Be Afraid
Un exemple d’italo chanté en francais ?
Le morceau le plus guilty pleasure à tes oreilles ?
Nathalie My Love Won’t Let You Down
Qui est le digne héritier de l’italo disco aujourd’hui ?
Tobias Bernstrup ou Galaxy Hunter.
Pardonnez-Nous
Les empêcheurs de danser en rond Pardonnez-nous se sont donné pour mission de réveiller la curiosité des noctambules en leur proposant des soirées mensuelles sortant des autoroutes des genres bien trop balisées. Les oreilles grandes ouvertes, le collectif parisien se compose de cinq Dj’s et amateurs éclairés provenant, je cite, d’univers musicaux hétéroclites et complémentaires. Et leur soirée du 7 septembre a tenté d’inoculer le virus italo.
Ton premier souvenir ou ta première rencontre avec l’italo disco ?
L’Italie, sa culture, sa langue et sa civilisation, me passionnent : j’y suis allé une trentaine de fois et je parle italien. Paradoxalement je n’ai découvert l’italo qu’il y a 6 ans, quand j’ai commencé à m’intéresser de près à la musique électronique, grâce à des compilations de disco où il y avait des classiques comme, Hey Hey Guy de Ken Laszlo ou Take A Chance de Mr. Flagio. Ma première véritable rencontre, c’est le mix de Flemming Dalum, Hot Girls Of Italo Disco. Là ce fut une révélation, et je considère ce mix comme un des meilleurs de l’histoire, tous genres confondus.
Quelle serait ta définition de l’italo disco ?
Je n’en ai pas vraiment de personnelle, si on s’y intéresse et qu’on demande aux gens qui l’ont créée, leur idée était simplement de faire du disco. Manlio Cangelli, que j’ai interrogé sur le sujet, m’a répondu : « on voulait faire du disco avec les machines qui arrivaient sur le marché et dont on apprenait à se servir. Les premièrs morceaux d’italo sont d’ailleurs souvent des disco mix. »
Quel est ton héros italo ?
Actuellement c’est Flemming Dalum. De l’époque, c’est plus compliqué, car j’ai une approche très rationnelle donc anti-héroïque, mais je dirais Manlio Cangelli, c’est sûr.
Ton top 3 italo ?
Un exemple d’italo chanté en francais ?
Maryse Bonnet Tonnerre De Feu est une pépite absolument inconnue et pure italo, mais il y en a plein d’autres, car de toute façon la synth-pop française reste un genre cousin de l’italo…
Le morceau le plus guilty pleasure à tes oreilles ?
Je voue une passion secrète pour Only Music Survives d’Alba, mais ce n’est pas du tout guilty haha. J’adore aussi le côté commercial de Savage, genre Only You ou Don’t Cry Tonight, qui peut m’arracher une larme…
Qui est le digne héritier de l’italo disco aujourd’hui ?
Tout d’abord De Dupe, qui n’est pas un producteur mais le boss du label Bordello A Parigi, et aussi Marcello Giordani, Rude 66, David Vunk ou Fabrizio Mammarella… et je te passe les dizaines de mecs et filles obscures qui font vivre cette musique avec passion, notamment aux Pays Bas ou dans le Nord de l’Europe car ce sont des fous du genre. Je n’oublie pas non plus les anciens qui sont toujours en activité comme Fred Ventura ou Rago & Farina. Mais finalement le plus fort, c’est Kid Machine, qui produit maintenant la musique du futur.