Ça tient parfois à peu de choses, les rencontres. Un retard de quelques minutes ; la recherche d’une rue, d’une adresse dans une ville inconnue ; un post sur un réseau social signé d’un “ami” qu’on suit depuis longtemps mais avec assez peu d’assiduité et qui lui-même poste avec encore moins d’assiduité sur un blog – oui, un blog ! – des articles sensibles dans la langue de Cervantes. Il y a quelques semaines, il a ainsi écrit au sujet du concert de Dean Wareham à San Sebastian, dans une salle nommée Dabadaba dont on a découvert l’existence grâce aux épatantes Melenas ; ce même Dean Wareham dont on a un temps caressé l’idée de sa présence aux Vinzelles et puis, non – et oui, j’imaginais déjà les premiers accords de la reprise de Ceremony… Mais le temps n’est pas aux regrets.

Le temps est plutôt à la joie d’avoir découvert au détour de ce post l’existence de Daga Voladora, un pseudo derrière lequel se cache Cristina Plaza –, qui assurait ce soir-là la première partie et dont on a compris très vite que la présence n’était certainement pas le fruit du hasard mais bien d’une programmation réfléchie. On a aussi découvert que la dame n’était pas une débutante, que sous divers pseudos ou au sein de quelques groupes, elle écrivait, arrangeait, chantait et/ou jouait des chansons depuis presque quinze ans. Cela étant, elle n’avait pas sorti d’album sous ce pseudo énigmatique (traduction sans doute approximative : dague qui vole – et qui bien sûr, se niche en plein dans votre cœur) depuis huit ans – autant dire une éternité sur l’échelle temps de la musique pop. Car sur Los Manantiales – nouvel album paru il y a presque un an jour pour jour – c’est bien ce qu’imagine cette femme multi-instrumentiste, mais une pop drapée de mystère et faite de sourires en coin, une pop qui emprunte les chemins de traverse plutôt que les autoroutes convenues, une pop qui flâne, se pose et admire les paysages – la pop comme l’envisagent aussi High Llamas ou Stereolab, la pop comme l’envisageait Broadcast. Avec une voix qui n’est pas parfois sans rappeler celle de Laetitia Sadier – en version ibérique donc –, Daga Voladora jongle avec une mélodie au charme irrésistible qui guide l’entêtant et exceptionnel Quise Ser, chante l’amour en fuite au ralenti le temps de Lejos De La Multitud, teinte de rétro-futurisme Me Pasará Contigo, pont imaginaire entre leurs années 1960 et nos années 2020.
Parfois, elle remise au placard sa mélancolie radieuse pour habiller ses chansons d’un peu de légèreté, comme le temps de Diamante et Me Vi Penando – qui donne furieusement l’envie de filer sous la lune en mobylette – avant de conclure sur un morceau joliment intulé Catedral (oui, comme sur un disque de Felt – mais le Felt version Martin Duffy), ballade introspective dominée par des claviers monochromes, un saxo rêveur et une série de notes qui de loin rappellent Singing In The Rain. Ce qui donne une image assez précise du petit miracle que représente ce disque, un disque qui vient transformer le brelan que formaient Un Soplo En El Corazón de Family, Entresemana de Le Mans et Satélite 99 d’Ana D en carré d’as.