CousteauX, Stray Gods (Silent X)

La rentrée, déjà, qui marque le moment des transitions entre deux formes contrastées de temporalité. Une fois encore, les instants dérobés à l’écoulement implacable de toutes les routines se condensent dans des souvenirs. Très partiels, mais précieux. On perd sans doute beaucoup en réduisant quelques semaines de vie étirée aux quelques fragments que la mémoire est en mesure d’en conserver. Et pourtant, ce processus inévitable de condensation apporte aussi son lot de révélations et de rapprochements inattendus. Ainsi cette collision entre deux émotions marquantes provoquées presque simultanément par la contemplation – au cours d’une séance d’astronomie amateure – d’un lever de pleine lune, aussi radieux que les plus beaux couchers de soleil, et l’écoute du nouvel album de CouteauX. Coïncidence à part, il subsiste quelque chose de cette lueur à la fois incandescente et crépusculaire dans ces douze chansons : l’impression durable que le plus beau peut advenir après-coup, alors que ce qui paraissait jusqu’alors essentiel s’est déjà achevé.

CousteauX
CousteauX

Une journée d’été, peut-être. Et même une première vie passée dans le cas de ce groupe atypique qui, au début du siècle, a publié un triptyque de pop orchestrale, mélancolique et flamboyante, longtemps demeuré sans lendemain. Séparés pendant plus de douze ans, Davey Ray Moor – le songwriter australien – et Liam McKahey – le chanteur irlandais – ont décidé de renouer ces fils distendus en 2017 en rajoutant un X à leur patronyme d’origine, par égards pour leurs camarades d’antan, écartés de cette reformation. Un X en plus, comme une cicatrice ou comme un baiser : c’est ce qu’ils se plaisent à dire eux-mêmes. Ou peut-être plutôt comme l’emplacement d’un trésor trop longtemps dissimulé sur cette carte imaginaire qui permettrait d’établir la géographie dense et éparse de leurs influences affichées : le lyrisme de Scott Walker, la classe nonchalante de Bryan Ferry, les tensions électriques du cabaret berlinois de Bowie, le son de ces toutes petites heures avant l’aube qu’évoquait SinatraIn The Wee Small Hours (1955). Tant d’autres encore. De leur passé lointain, les deux compères ont su conserver un sens époustouflant du style, comme en témoignent ici les deux reprises empruntées aux extrémités polaires d’un spectre musical qui s’étend de Miley CyrusKaren Don’t Be Sad – à Leonard CohenSo Long, Marianne. Il va sans dire que des musiciens capables de balayer une telle étendue contrastée sans rien renier de leur registre propre manifestent une maîtrise formelle irréprochable. Pourtant, cette élégance ne s’exhibe jamais au détriment de la substance : elle la nourrit et la renouvelle. Les cordes surgissent quand elles sont nécessaires puis se taisent ensuite. Au fil de ces ballades imprégnées d’obscurité – Cheap Perfume, Yesterday’s Eyes – s’esquissent avec pudeur les sentiments les plus précieux, ceux qui s’éprouvent dans une ultime rémanence au moment même de la perte. Comme une dernière glace sur le port avant le retour aux affaires courantes : à la fois un adieu et une promesse.


Stray Gods de CousteauX est disponible sur le label Silent X.

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