Ce second confinement aura été psychologiquement bien plus difficile que le premier. Sensation de répétition, d’échec dans la pandémie, angoisse d’un avenir incertain et Épée de Damoclès d’une crise économique à venir. La plupart des disquaires ont pourtant tout fait pour rester actifs en vendant en ligne ou en clique et collecte. Simon Hubeau est de ceux-là. A Charleville-Mézières, il a monté sa boutique avenue du Petit Bois, dans un quartier où il n’y a que très peu de commerces, à cinq minutes de l’hyper centre. Dans la préfecture des Ardennes, cet ancien bassin industriel où il n’y a pas de facultés, et qui perd des habitants : plus de 10.000 sur 60.000 depuis les années 1990. Aucun gros relais culturel, ni FNAC ni Cultura, et évidemment plus de disquaire depuis des lustres.
Il y a cinq ans, il décide avec un ami de racheter un ancien bar à la déco décatie et kitsch, et de le transformer en lieu mixte, où on peut trouver quelques vinyles en prenant un verre. « Attention, ce n’est pas un bar qui vend des disques, mais un disquaire ou tu peux boire un coup, ce n’est pas du tout la même chose ! » Ils gardent un emploi à côté jusqu’à aujourd’hui, histoire de s’assurer de la pérennité de l’affaire, n’ouvrant que le week-end. Mais la clientèle suit, et se développe : « On vendait seulement de l’occasion au départ, mais on a eu envie de proposer du neuf aussi. D’une clientèle de niche, on a aussi touché des gens qui n’identifiaient pas trop leurs goûts, des gens qui voulaient s’équiper en platine, des ados avec leurs parents qui n’avaient jamais écouté un album en entier. Il y a même eu trois générations d’une même famille un jour » Il se voit comme un disquaire de campagne, avec une dynamique complètement différente d’une grande ville. S’il écoute pour sa part pas mal de psyché, de post punk et de garage, son stock propose un choix beaucoup plus large, avec un spectre allant des sixties à nos jours. Rock, Soul, Blues, Jazz, Punk, Metal, Indé, World… Histoire de guider au mieux les clients dans leurs envies. De dégainer un classique pour ceux qui ont envie d’élargir leur culture musicale. En 2020, il aura passé le premier confinement à mettre son stock sur Discogs, à faire des colis postaux, à oublier un temps la convivialité de ce lieu qui finalement est devenu un point essentiel de lien social dans la ville. La suite, il la voit dans un lieu peut-être un peu moins exigu et plus central. Dans cette série que nous avons consacrée aux disquaires, chaque lieu a révélé sa propre histoire, mais celle de La Plaque Tournante est décidément une des plus porteuses d’espoir.
La Plaque Tournante, 76 avenue du Petit Bois, 08000 Charleville-Mézières, également joignables sur Discogs, sur facebook, par mail à laplaquetournante@hotmail.com, par téléphone au 06 63 29 83 37 et en vrai sur place à partir de samedi.
Tous les articles de la série Première Nécessité (un disquaire par jour) sont visibles ici.
Les 10 disques en clique & collecte de La Plaque Tournante
01. Slift, Lions, Tigers & Bears
C’est la grosse claque de l’année psyché / stoner par le trio toulousain Slift. Un album aux allures de fresque légendaire, conçu comme la BO d’un film imaginaire.
02. Fontaines D.C., Sunny
Le gang de Dublin réussi haut la main le cap du 2ème album avec un post punk plus froid et sombre, ainsi que moins énergique que le précédent opus.
03. Idles, War
Les lascars de Bristol viennent de nouveau nous mettre un coup de pied dans le cul avec Ultra Mono, toujours aussi engagé et énervé.
04. Bananagun, The True story of Bananagun
Une des belles découvertes cette année et ce sont encore des Australiens. Ils surfent entre pop / psyché / funk voir même afrobeat. Un super vent d’enthousiasme.
05. Trees Speak, Blame Shifter
Groupe Texan krautrock / ambient. Super album bien angoissant qui collait parfaitement avec l’ambiance de 2020. En plus, c’est chez Soul Jazz Records.
06. Pottery, Texas Drums Pt I & II
Welcome to Bobby’s Motel, un premier album très réussi pour le groupe de Montreal. Leur univers est un joyeux foutoir entre garage / rock indé et post-punk.
07. Flat Worms, Market Forces
On avoue qu’on était passé à côté de leur 1er album et Antarctica porte bien son nom. Post punk glacial et bien violent pour le trio de Los Angeles.
08. Vulfpeck, 3 on E (feat. Antwaun Stanley)
Les prodiges de la soul et de la funk moderne nous propose une compilation de titres chanté par Antwaun Stanley : Vulf Vault 001. Un petit bijou de plus.
09. Clavicule, Special Trip
Premier album très réussi pour le quatuor rennais entre garage / psyché / punk, et puis la pochette est magnifique ! Vivement la suite.
10. Nino Ferrer, Nino & Radiah
Un classique ne fait jamais de mal. Inconnu pour les uns, référence pour les autres, cet album est un bijou de chanson / rock / psyché. La French Touch des 70’s.