This could be the saddest dusk ever seen
You turn to a miracle high-alive
Michael Stipe
Peut-on écouter Vauxhall and I de Morrissey sous le franc soleil de juillet ? Et un Antônio Carlos Jobim empêtré dans un crachin de février, c’est toujours du Antônio Carlos Jobim ? Climats met en avant les sorties disques et livres selon la météo.
Les saintes rafales
Tiens, c’est un souvenir de face à face. Pas belliqueux pour un sou, celui-ci. Juste deux ombres fanées, un peu avachies de solitude. Ils regardent à travers la vitre. C’est une chanson qui m’a marqué longtemps, Je ne veux pas mourir. Sa petite rengaine à la Gainsbourg, son angoisse rentrée et froide. Mendelson ne passe pas par quatre chemins. C’est un affront, toujours. Ce n’est pas forcément mon premier souvenir du label Lithium mais c’est celui qui me vient, là, tout de suite. Il y a tant d’autres souvenirs. Renaud Sachet en parle bien mieux et les a réunis dans Les années Lithium. Moi, je revois le demi visage flouté de Françoiz Breut sur La mémoire neuve. Lui propose un magnifique travail de (re)composition d’une période – d’un label. On y voit une certaine jeunesse, une jeunesse logique dans l’imprévisible pour reprendre le plan de bataille de Lithium. Ce livre fourmille de moments, de paroles et d’images. Dans la collecte minutieuse de tous ces détails, ces fragments de vies et ces visages, ressort une lecture bouleversante. Comment concevait-on la musique au début des années 90 ? Quelles étaient les forces d’indépendances ? Mocke raconte qu’il goûte peu à la nostalgie. Pourtant le guitariste d’Holden parle majestueusement de ces années-là. Souvent ce qui revient, tout le long de ces entretiens, c’est ce que ce label voulait faire. Et il voulait faire d’un disque un moment fort. Une intensité. Entre autres, c’est ce que Diabologum fera. Je lis et relis les propos d’Anne Tournerie, Michel Cloup, Pascal Bouaziz, Armelle Pioline… Toutes ces étoiles et ces destins. Quel bonheur d’avoir rêvé ces rêves-là. Renaud Sachet signe un recueil quasi sociologique de ce que furent, musicalement, les années 90.
Les ondées
Il y a ce choix du fauvisme. Pochette à la Bonnard… La couleur reine, la couleur vive. Pour un natif de Lesneven – c’est audacieux. Mais même s’il est vrai que d’un point de mélodique, la lumière revient après la pluie dans l’album de Lesneu, demeure le gris ardoise du Finistère durant l’ensemble des compositions. Amours fâchées, gâchées. Ce qui ne vient jamais vraiment est d’un lyrisme abondant. L’abondance des sentiments, comme la palette d’un fauve, envahit tout. Rouge trop profond, jaune pas raisonnable et vert naïf. Lesneu déroule ces actes d’innocences, avec du charme et une âme joueuse. On y entend des regrets mais ils se présentent à nous – scintillants. Un peu comme Kevin Barnes de Of Montreal présentait sa dépression avec une musique de joie, d’empressements. Ce paradoxe rend les chansons très belles, uniques. Et puis, toute cette mélancolie qui semble baiser avec grande gaieté, nous fait aimer la vie. Encore et toujours. Encore plus maintenant.
La lumière, émoustillante.
Dans le labyrinthe d’une nuit, j’avais découvert il y a une petite vingtaine d’années, un film. Lorsque la nuit, un film surgit – cela donne une vision inoubliable. D’Une Blonde émoustillante, un navet de Jiri Menzel, je retrouve le goût de la fête. Dans cette improbable pastorale, durant un été en Bohème, on suit la vie d’un couple d’amoureux : Maryska et Francin. L’histoire importe peu, c’est la beauté de chaque plan qui compte. Et Menzel filme les corps, les lumières et les visages comme personne. C’est littéralement tomber sous le charme. C’est regarder et garder de la légèreté à voir un film. Garder de la légèreté, définitivement.