This could be the saddest dusk ever seen
You turn to a miracle high-alive
Michael Stipe
Peut-on écouter Vauxhall and I de Morrissey sous le franc soleil de juillet ? Et un Antônio Carlos Jobim empêtré dans un crachin de février, c’est toujours du Antônio Carlos Jobim ? Climats met en avant les sorties disques et livres selon la météo.
Pluie d’éclairs
Chez Stephen Malkmus, il y a souvent ce rapport distancié au passé ou à l’avenir. Il s’amuse des promesses ou de ce qui aurait pu advenir. Tout est dans la chanson Here. Une poétique désabusée, un renoncement stylé à l’ambition – I always dressed for the success but success it never comes. J’ai été jeune homme avec Pavement. Années 90/années de formation. Une éternité est passée et en relisant les paroles de Malkmus, j’y trouve la plus classieuse des biographies. Avec la sortie de Terror Twilight : Farewell Horizontal, on se replonge dans cette coda de velours que fut ce disque pour le rock indé U.S. Essai ultime d’une hybridation parfois contre nature (la production lissée de Nigel Godrich, la technique bancale et pulsionnelle des musiciens) ou la tentative remarquable d’avoir un filet de succès. Mais comme le chante Malkmus en forme de bilan abrasif : I was tired of the best years of my life. Les dés n’étaient pas jetés au hasard et ce qui a toujours obsédé Malkmus c’est une identification à un moment clef, une génération et un état des choses. On retrouve cela dans divers moments de sa discographie : I am here now / Waiting for the amelioration / Fight this generation ou cette considération sublimée le temps d’un Lariat : We grew up listening to the music from the best decade ever. C’est un peu mon territoire, cette meilleure décennie. La mienne, constitutive, c’est les 90’s. Et que vient nous révéler Terror Twilight, cette limonade noire ingérée jusqu’à l’empoisonnement, si ce n’est que toute fin nous appartient ? Disque d’un échec ou d’une illusion, peu importe, Terror Twilight résonne fort encore. Pavement a redistribué les cartes et propose les chansons dans un autre ordre. Et on découvre une lente montée nébuleuse, un chemin vers un nul part assez fascinant. Le disque se présente différemment qu’à l’époque, plus introspectif et moins tape à l’œil.
Les traces d’une giboulée
J’avais vu une miniature de peinture sur bois – les lignes et couleurs pures. Cela ressemblait à du Amédée Ozenfant. Il y avait pourtant des détails qui ne trompaient pas. Un goût du sabotage, une couleur étalée avec excès – je venais de découvrir Toyen. Je n’ai jamais été fasciné par la peinture surréaliste, souvent pauvre techniquement et alourdie de symboles et autres bijouterie encombrante. Mais Toyen vient placer son écart absolu, son geste violent et nocturne, comme personne ne l’avait fait avant. En plus de l’exposition, Arte a eu la généreuse idée de produire un documentaire sur cette figure du secret et de la liberté qu’est Toyen. Elle n’a cessé de peindre des chants du cygne qui se transformaient inlassablement en Phénix rutilant. Toyen devient ce sublime pas de côté, perdu quelque part entre un insondable orgueil et une magnifique sagesse.
L’aube, sous les nuages.
Pour terminer cette semaine, voici le livre qui tente de dresser le portrait et les battements de cœur d’un cinéaste insaisissable. Louis Malle dans tous ses états. Philippe Met propose une large étude de Malle, questionnant son rapport à la liberté, aux lois, à la littérature et au Mal. Le récit de ce créateur protéiforme est passionnant ; les témoignages de Wes Anderson ou encore Susan Sarandon viennent éclaircir le visage de ce maître du clair-obscur. Une filmographie à voir et revoir sans cesse.