Parfois, ça ne tient pas à grand chose une histoire d’amour. Surtout une histoire d’amour avec un disque. La story d’une amie sur un réseau social, un nom qui ne nous dit rien du tout comparé à un autre nom qui nous dit vaguement quelque chose – Andy Shauf… Mais une pochette qui attire immédiatement l’attention, comme un clin d’œil à celles des deux premiers albums de Kings Of Convenience (certifié disques de chevet absolus dans ces parages) – lettrages vert et blanc, lumière apaisée, contre-jour maitrisé… Alors, forcément, la curiosité qui s’éveille, parce que par ici, on se dit toujours un peu plus que le hasard n’existe pas vraiment (ou alors, pas bien souvent…).

Oui, vous pouvez me vouer aux gémonies : je n’avais jamais entendu parler de Chris Staples avant ce matin d’août 2025, via un gars originaire de Floride qui publie des disques à un rythme plus que correct depuis vingt ans maintenant. Je n’ai pas eu le loisir de partir à la recherche de ce temps (sans doute) perdu car depuis deux jours – avec quelques autres chansons qui ont rythmé cet été qui m’a sans doute réconcilié avec l’idée même de l’été –, Don’t Worry (un chouette titre que celui-ci) tourne presque en boucle et accompagne des journées habillées d’un soleil plus doux – comme c’est si souvent le cas à la fin des mois d’août. Il n’y a rien de révolutionnaire ici, pas de grande déclaration d’intention – à moins que quelque chose m’ait échappé –, juste une poignée de chansons artisanales qui, oui, partagent avec celles de leurs lointaines cousines scandinaves ce vertige de la mélancolie – version Americana (le titre d’ouverture, Doesn’t Matter No, en est un bel ambassadeur), avec pincements de guitare folk et parties de slide-guitar en guise de passeport. Chris Staples murmure des mots qui prônent un optimisme légèrement désabusé, comme le temps de la si belle chanson éponyme, sur laquelle la chanteuse Kylie Dailey joue un peu le rôle de sa Feist à lui : « Don’t worry / It’s going to be ok / Don’t worry / We’re going to find a way / Don’t worry / It’s not so bad / Don’t waste the weekend / Being sad / You’ve been through / So much worse before / And you’re still here / Somehow laughing / Through the tears ».
Mais avant cela, ce gars qui a, il me semble, l’allure de pas mal d’artistes de là-bas – sourire gêné, lunettes d’étudiant pour la vie, coupe de cheveux négligée, vêtements a priori de seconde main – a déjà gagné la partie et touché la cible en plein cœur : le deuxième morceau du disque, A Cold New York Morning, est une chanson complètement folle, qui semble raconter un spleen qu’on suppose idéal et donne surtout une idée assez précise de la beauté que pourrait atteindre un titre de The Cure de l’époque Faith s’il était un jour interprété par Garciaphone, ce groupe que tout le monde nous envie (et si ce n’est pas le cas, tout le monde se trompe). Un peu plus loin, sur Open Mind, les claviers (piano, synthé) se sont amusés à (presque) remiser les guitares au placard le temps d’une chanson de peu de mots mais de beaucoup d’émotions – déclinées comme en slow-motion. De toute façon, le tempo ne s’emballe jamais, Chris Staples privilégie les clairs-obscurs, les murmures, les silences aussi parfois et écrit ici et là des chansons d’une facture très classique – une guitare, des pincements de corde et de cœur, quelques notes de piano, une batterie discrète – comme Talk About Your Day, dont le thème épouse bien évidemment à la perfection ces arrangements d’une simplicité absolue.
En dix chansons et exactement moins de trente minutes, ce nouvel ami américain signe l’un de ces disques aux accords mineurs mais pourtant majeur, un disque qui, je crois, touchera celles et ceux qui prendront le temps de prendre le temps d’écouter ces chansons-là, ces mélodies-là. Parce qu’il y a ici l’universalité de la simplicité et des émotions, des mots qui font mouche et d’une voix accueillante. Parce qu’on tient là, loin des effets d’annonce et des disques qui sortent en 30 versions différentes, un petit classique qui ne changera pas le cours de l’histoire d’un monde qui part à vau l’eau mais bouleversera sans doute le quotidien de certaines et certains. Comme, peut-être, il a déjà bouleversé le mien.