Bandit Voyage & Milla Pluton, Millacore (Cheptel Records)

Quand on écrit sur un disque, on commence généralement par parler du label, de l’historique, tout ça — c’est l’usage, ça marche, c’est bien. En l’occurrence, ce serait cependant mentir un peu : je ne connaissais ni Milla Pluton, ni Bandit Voyage, ni même Cheptel Records. Et puisque nous sommes à l’heure des confidences, j’avais à peine entendu parler de la Suisse, où vit tout ce monde. Ah si ! Je sais qu’un certain nombre de Françaises et Français traversent cette frontière chaque jour, quitte à se foutre dans des bouchons interminables – infirmières, contrôleuse de gestion, vendeur en prêt à porter, universitaire… j’en passe, et des meilleurs. C’est donc plutôt par hasard que je suis tombé sur cet album, en fouillant les goûts de je-ne-sais-qui sur last.fm — vous savez, ce site aujourd’hui très démodé qui enregistre, compte toutes vos écoutes. J’ai tout de suite trouvé ça superbe et, une vingtaine d’écoutes plus tard, je suis encore du même avis.

Bandit Voyage & Milla Pluton / Photo : DR
Bandit Voyage & Milla Pluton / Photo : DR

C’est allé très vite et, en fait, il me semble aujourd’hui normal et, même, attendu, obligatoire, que tout le monde adore cet EP. Parce qu’il est superbe, tout simplement. Parce qu’il a cette vitalité immédiate, cette beauté express, cette simplicité impeccable, qui est la meilleure recette. C’est du rock façon Modern Lovers (groupe auquel le logo de Cheptel Records fait référence), et c’est franc, frais, direct, et en même temps groovy, joyeux, chaleureux – comme quoi, il est encore possible de faire de la musique à guitare sans en passer par le post-punk, le slacker, le son « épuré ». On oublie donc les guitares « abrasives ». Le son est chaloupé et mélodieux, la production pleine de bonnes idées, de basses superbes, de flûtes ! Les voix ne se cachent pas derrière les instruments, et sont traitées de manière ludique : celle de Milla Pluton, gouailleuse, est souvent doublée à droite ou à gauche par celles d’Anissa Cadelli et de Robin Girod (Bandit Voyage), et l’autotune apparaît ici et là, utilisé avec adresse. Ces gens ont tout simplement l’air de s’amuser, de s’aimer, et on est content pour elles (eux).

Un EP parfait, ce peut-être par exemple deux beaux singles et deux belles faces B — c’est ce que propose Millacore. Premier single, « Petite maladie » plaira à toute la famille (« en plus c’est en français ! »), à l’amateur blasé, à tout être humain en quête de divertissement. Elle parle de l’« ex toxique », maladie du siècle, cimetière de nos désirs. C’est divinement écrit, faussement léger comme une comptine d’April March, doux et amer, marrant et poétique. Quand mes yeux te mangent, c’est mes cheveux qui tombent / Quand mes yeux se retournent, c’est mon blue jean’s qui pleure ; C’est vrai que t’étais dar / avec ton gilet de motard / mais maintenant je broie du noir… euh… Allo, l’académie française ? L’occasion peut-être de rattraper des décennies de décisions à chier avec une nomination honorable ? Sternfluss : pareil, tube plus direct encore, power pop, banger bilingue. On est au ciel. Clopes Mentholées et Je Serai Ton Miroir sont des temps calmes, plus légers, mais toujours inspirés. Le Velvet Underground mais avec des clopes mentholées ? C’est peut-être ça, Millacore, et on espère que ça ne s’arrêtera pas avec cet EP.


Millacore par Bandit Voyage & Milla Pluton est sorti chez Cheptel Records

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