Alek et Les Japonaises, Tranquille (Gnignignignigni)

Perdu comme un kiwi /
sans étiquette à lui /
le mystère restera entier

On s’amuse bien à Bruxelles, tandis que la métropole sombre parfois dans une tristesse profonde, un sérieux de bon aloi, ou une retenue timide, Alek et Maï (elles sont sans doute plusieurs dans sa tête) mettent le feu dans leur cave transformée pour l’occasion en cabaret de tous les essais : le duo s’amuse bien avec la matière musicale, posant de petits moyens (les synthés sont réglés sur les presets) pour les transcender allègrement dans un mélange un peu camp, un peu kitsch de variété décomplexée. Si ça sonne 80, c’est plus justement dans l’économie des arrangements faussement idiots que dans la volonté de se réincarner dans un passéisme rigolo et disco.

Alek et Les Japonaises / Photo : Gaethan Dehoux
Alek et Les Japonaises / Photo : Gaethan Dehoux

Encore que, c’est là que Les Japonaises nous troublent, on ne sait pas trop sur lequel de nos trois pieds danser : les chansons folles en belge portées par la voix placée trop haut d’Alek (Tranquille, Je mange du pain, ce tube), les miniatures instrumentales qui nous font l’effet d’un toboggan vers un monde étrange ou la j-pop qui nous replonge dans cette science qui nous passionne des petits disques jetables des années 80 post YMO jusqu’aux années 90 de la Shibuya-kei (Ameyo ameyo). On a même droit à un exemple d’un de nos sous-genres préférés, la pop japonaise chantée en français (un petit passage superbe sur Les noix). D’ailleurs, loin de cadenasser chacun des efforts du groupe dans des boites identifiables, Alek et Les Japonaises jouent le jeu du mélange jusqu’au bout : Alek chante aussi dans la langue de Yukihiro Takahashi, Maï Ogawa dans la langue de Pierre Barouh donc et des décrochements instrumentaux s’installent à l’intérieur même des pop-songs pour ouvrir des fenêtres de lumière, propices à des divagations reposantes.

Un bien beau disque qu’on pourrait direct expédier en le ramenant à sa belgitude, cette voie indéfinissable qui permet à Guy Cabay de chanter la bossa en dialecte wallon, au père de Johnny de se déguiser en Fantômas ou à Crammed de nous proposer toutes les hybridités les plus improbables depuis des décennies. Allez on le fait. En ajoutant que Tranquille – qui est loin de l’être – propose aussi un voyage intérieur plus complexe que l’addition en apparence facile de ses composantes : câblé, festif, doux, dansant, il constitue un petit refuge à la morosité facilement déclinable de l’époque. Des têtes en l’air qui cherchent pour nous de quoi respirer un peu mieux, par ici. Ultra précieux.


Tranquille par Alek et Les Japonaises est disponible sur le label Gnignignignigni. Le groupe sera en concert au Tony,  à Paris ce 9 mai à 20h30.

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