Nous ne sommes que le 6 janvier et déjà le monde semble partir en vrille. L’Écosse où doit repartir ma fille est reconfinée et il semblerait qu’on remette ça nous aussi dans les semaines à venir. On annonce quotidiennement le nombre de vaccinations dans les différents pays du globe et, comme à l’Eurovision, nous arrivons derniers. Ce soir, les partisans de Trump, galvanisés par la parole folle de leur idole, ont envahi le Capitole. Les images qui inondent les réseaux sociaux sont ahurissantes, partout des casquettes rouges et des types aux allures débiles qui se prennent en photo dans le siège du président du Congrès. Cette année ne marque encore que six jours au compteur et déjà j’ai envie d’en voir le bout, de tout effacer, de faire un grand reset, please, ça ne peut pas déjà ressembler à ça, on a assez donné. Fucking Dry January. Juste avant d’éteindre l’ordinateur sur lequel je m’échine à tenter d’écrire quelques lignes, je tombe sur une chanson, par hasard. Depuis le début de l’année je n’ai encore rien écouté, alors pourquoi ce morceau-là, pourquoi ce soir, justement parce que tout ça, parce que l’Amérique, parce que le masque en continu, parce que les violences policières, parce que la non réouverture des lieux qu’on aime, parce que nos enfants qui n’en peuvent plus de ne plus avoir de vie, parce que tout ça, toutes ces réalités que je ne supporte plus ont été balayées pendant presque cinq minutes. Parce que la chanson que je découvre au détour d’un algorithme de Youtube me fait tout oublier un court instant. C’est une ballade pleine d’ampleur, quelque part entre le blues, le folk et le gospel, quelque part entre Bruxelles où elle a été écrite et la Nouvelle Orléans où elle a été enregistrée, quelque part entre le lyrisme de la voix déchirante de Guy Blakeslee et la mélancolie des cuivres, je ne sais pas vraiment l’exprimer et à vrai dire je m’en fiche. Ce qui compte, c’est cette chanson-là, ce soir-là, un soir de solitude, avant d’être cueillie par la nuit. What’s the point in going where you know what you will find ? Tout est dit en une phrase, en un début de refrain. Ne cherchons pas à savoir, cessons de vouloir tout contrôler, c’est peine perdue. Mais soyons confiants, il y a forcément quelque chose de beau pour nous, quelque part. Sometimes. C’est une chanson qui dit qu’on ne quitte jamais vraiment l’enfance, c’est une chanson qui dit les choses qui étreignent le cœur et celles qui serrent le ventre, c’est une chanson qui dit le temps qui passe et après lequel on doit cesser de courir, c’est une chanson qui dit la diversité des êtres, ceux qui aiment, ceux qui hésitent, ceux qui sont sincères, ceux qui pleurent, ceux qui disparaissent. Parfois il faut apprendre à changer de chemin, ne plus regarder la carte, accepter de se perdre, pour mieux se retrouver. So I try my best to lose my way sometimes. Alors je crois que c’est exactement ce que je vais faire pour survivre à cette année, me laisser porter, m’attacher à ce qui est beau, suivre la lumière et laisser faire le hasard. Parce que, c’est vrai, il fait bien les choses, sometimes.
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