L’annonce – Elliot Page, Sarah Mary Chadwick, Emmanuel Chaussade

Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine

Sarah Mary Chadwick
Dessin : Sarah Mary Chadwick

Les premiers verres échangés de l’année, avec une amie précieuse, ont été bus pour une annonce. Les collines environnantes retenaient la brume des grandes marées, les cimes noires et hautes de la cathédrale de Saint-Pol-de Léon, pointaient leur admirable austérité vers le ciel. Ici, tout panorama est gigantesque. Elle, marchant au soda et moi, décimant une bouteille de Viognier, nous en étions au plaisir des retrouvailles. La mer, comme horizon. Lorsqu’elle me dit qu’elle attend un enfant, je trouve ce hasard savoureux, c’est très fort le hasard. C’est très fort car cela n’existe pas. Quel plus beau signe de bienvenue que l’annonce d’un enfant ? Cette nouvelle accompagne mes premiers pas sur ces nouvelles terres. Je la trouve belle, inquiète, fatiguée, rayonnante – c’est un beau moment. Et, je ne sais pourquoi, je pense au courage d’Elliot Page. Depuis quelques temps, je fais écouter au fiston un album de Kimya Dawson, Alphabutt. Chansons pour enfant, en mode pas accordées, qui provoquent de multiples applaudissements chez le kiddo. Kimya Dawson, je la rencontre une nouvelle fois dans Juno, ce film qui révéla Elliot Page. C’est un rôle qui fut imprimé au fer rouge ; lentement et douloureusement souvent, ce fut le processus de sa propre mise au monde. Page incarnait une adolescente tombant enceinte. Elliot avait en lui déjà, le désir de se révéler – de s’annoncer au monde. Il l’a fait, depuis, dans un sublime message, dentelé de courage. À rebours, j’ai revu le film et il en est encore plus bouleversant. Pas de hasard, non, regarder crûment, intimement son être. C’est ce que fait depuis quelques années, Sarah Mary Chadwick. Ces dessins, portraits ou estampes pornographiques qui ornent ses pochettes de disques, nous prennent la main. Avant de basculer vers 2021, elle a publié une sublime chanson At Your Leisure, l’annonce d’un futur album Me and Ennui are friends, baby qui sera publié le 5 février. Dans son précédent disque (le grandiose Please Daddy), elle évoquait frontalement la disparition de son père. Piano-voix et la passion brûlante – cela fait toujours de merveilleuses compositions. Emmanuel Chaussade, lui aussi, évoque la disparition. Celle de sa mère. Les premières pages sont saisissantes de tendresse chiffonnée, de colère contenue. Elle, la mère est un premier roman. Mais c’est l’écriture d’une vie. Histoires de haine et d’amour. La vie, c’est attendre parfois de se révéler, c’est ce qu’évoque pudiquement Emmanuel Chaussade. Attendre de se révéler, de s’annoncer – je regarde mon amie, ses beaux traits, la fatigue en sourdine. Le ciel est bleu et clair. Oui, quel plus beau signe de bienvenue que l’annonce d’un enfant ?

Elle, la mère d’Emmanuel Chaussade (Les Editions de Minuit, 96 pages)
Me and Ennui are friends, baby de Sarah Mary Chadwick (Ba Da Bing Records)
Juno de Jason Reitman (2007)

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *