« Je me ferais bien un petit simple dames », lança-t-elle, mutine, alors que, un verre de rhum vieux à la main, j’avais retrouvé ma position préférentielle sur le canapé du salon et visionnais Double Messieurs, de Jean-François Stévenin, starring l’immense Yves Afonso. Il va de soi que ma tournure d’esprit biscornue m’a immédiatement fait emprunter la voie du double sens à connotation sexuelle, avant de me raviser et de reconnaitre que le seul désir ici exprimé était celui d’assister à une manifestation sportive ou d’échanger quelques balles. Dans un cas comme dans l’autre, autant appeler SOS Terre battue. Il y a bien un court mal entretenu à l’autre bout du village, mais avec tout ce qu’on entend aux infos, je l’imaginais encerclé d’un régiment de militaires en armes.
L’autre option pour répondre à ce vœu pieux était de remettre la main sur ce 45 tours arraché à la volée avec une dizaine d’autres dans un vide-grenier seine-et-marnais sur la seule foi de sa pochette, pensant vaguement avoir déniché là un incunable 60’s de cocktail music. Ce n’est que rentré à la maison que je compris en auscultant le verso de ladite pochette que j’avais fait main basse sur une sympathique curiosité dont je ne soupçonnais même pas l’existence.
Ladies Who Lunch, donc. Ces dames ne sont nullement échappées d’une comédie musicale de Stephen Sondheim ou d’une garden-party dans les Hamptons mais hébergées sur ce qui fut en son temps peut-être le label (et magazine) le plus cool du monde, Grand Royal, quinte flush abattue en 1992 par Mike D et Adam Yauch des Beastie Boys.
Au service, la britannique Josephine Wiggs, bassiste de Perfect Disaster trois albums durant, présente au violoncelle sur le Playing with Fire de Spacemen 3, et à l’origine des Breeders avec Kim Deal et Tanya Donelly. Au retour, Kate Schellenbach, batteuse de la première incarnation punk hardcore des Beasties entre 1981 et 84, puis, après un long hiatus, de Luscious Jackson à partir de 1993. Montée simultanée des deux joueuses au filet, et gros crush amoureux que Josephine et Kate documentent longuement dans un article intitulé « Luscious Lesbians », publié dans le numéro de novembre 1994 du magazine LGBT The Advocate. En 1995, sort donc le one-shot Kims We Love, ep énamouré et double a-side tribute à Kim Gordon et Kim Deal. D’un côté le Bull On The Heather de Sonic Youth, de l’autre le Gigantic des Pixies, deux covers en forme de miniatures, entièrement jouées sur des Casio vintage, dont le KA-20 prisé des gamins dans les années 80. Anecdotique certes (on est encore à quelques longueurs de Pascal Comelade et de son Bel Canto Orchestra) mais facilement aussi obsédant qu’une partie de Pong sur un Atari antédiluvien. Manipulant l’objet (le disque, pas la console), mon aîné se fendit d’un lapidaire « ce truc, t’en fais cadeau à Adèle Haenel, tu marques des points direct ! Avantage dehors, balle de break !». Bien joué fiston, mais reste vigilant : avantage dehors, et de jour en jour davantage dedans.
Et les Ladies who Lydia Lunch ? ça existe ?
ça ferait une belle triplette !