2nd Grade, Scheduled Explosions (Double Double Whammy)

Suis-je bien légitime pour chroniquer un groupe de powerpop ? Quand on n’a jamais été emballé plus que ça par Big Star ni par Teenage Fanclub – les références ultimes du genre -, on devrait en toute logique passer son chemin. Et pourtant, paradoxe des paradoxes, l’album Scheduled Explosions de 2nd Grade restera pour moi un des sommets de l’année 2024. Alors pourquoi ai-je aimé un disque a priori plutôt éloigné de mes inclinations esthétiques ? Tout simplement parce qu’il est truffé de très bonnes chansons, aux mélodies imparables, qu’il parvient à s’inspirer du passé tout en se réappropriant les codes du genre sans donner une impression de répétition mécanique de ce qui a déjà été fait par d’autres.

2nd Grade / Photo : DR
2nd Grade / Photo : D

Tout le contraire des Lemon Twigs par exemple, dont le dernier album ne propose à mon sens qu’une galerie d’exercices scolaires de pure imitation des maîtres, avec un fac-similé de Beach Boys par-ci, une parodie des Byrds par-là, et qui semblent avoir écrit tout leur disque avec une notice sous sous les yeux. Aux antipodes d’un tel travail de faussaire, j’ai retrouvé dans Scheduled Explosions la joyeuse spontanéité un peu bordélique de l’indispensable Like Flies On Sherbert d’Alex Chilton et ce côté fourre-tout et lo-fi des disques de Robert Pollard, proposant une powerpop sans ce côté parfois middle of the road, voire FM qui me déplaît chez certains groupes du genre. Ici la prod peut passer du son de studio à celui du 4-piste rincé sans que cela nuise en rien à l’ensemble, des guitares les plus jangly à la distorsion la plus sale sans perdre en cohérence. Les 23 morceaux du disque du groupe de Philadelphie – dont seulement cinq excèdent les 2 minutes (!) – s’enchaînent à bride abattue, dans une impatience qui témoigne de l’intensité de l’inspiration du groupe et de son refus de s’appesantir dans des longueurs inutiles. 2nd Grade aurait pu reprendre à son compte cette affirmation de Stravinsky dans sa Poétique musicale selon laquelle « Trop de morceaux de musique finissent trop longtemps avant la fin »… En matière de pop, autant aller droit au but sans s’attarder.

Jetez une oreille à des classiques instantanés comme Uncontrolably Cool ou Fashion Disease et son riff fabuleux façon The Nerves ou encore à la mirifique I Wanna Be on Your Mind et ses arpèges byrdsiens à la douze cordes – sur laquelle le disque prend fin -, sans oublier la superbe Airlift et son solo dylanien d’harmonica, et vous verrez que Peter Gill – le leader du groupe – n’est vraiment pas un songwriter du dimanche. On retrouve aussi une heureuse ressemblance avec les magnifiques Rocketship à l’écoute des excellentes Instant Nostalgia ou No Fly Zone, et un air de famille avec Comet Gain et Tullycraft en ce qui concerne certaines chansons comme Joan of Ice ou All about You. A vrai dire, ce disque est tellement rempli à ras bord de tubes jouissifs qu’il faudrait s’arrêter à chacune de ses plages pour en dresser les louanges. Mais pour finir, je recommanderais simplement d’aller écouter sans mesure deux très bons titres que tout oppose pourtant : Like a Wild Thing – qui somme comme une improbable collaboration entre les Troggs et Alex Chilton – et Jingle Jangle Nuclear Meltdown, qui enchantera – malgré ses 33 secondes – tous les amoureux de mélodies pop aériennes et d’arpèges carillonnants à la Roger McGuinn.

2nd Grade ne réinvente certes pas la poudre mais signe avec Scheduled Explosions un disque léger et frais, habité par une sorte de surabondance de joyeuse créativité, sur lequel les hits s’enchaînent à un rythme effréné. On peine à croire qu’un album si réussi ne soit sorti qu’en cassette et pas en vinyle, et on espère qu’un label viendra réparer cette injustice. Quoiqu’il en soit, à l’écoute de ce disque, on se réjouit de constater qu’avec des artistes comme 2nd Grade, Tony Molina ou Best Bets, la powerpop a su se renouveler avec succès et maintenir un niveau d’exigence élevé tout en échappant au pur mimétisme.


Une réflexion sur « 2nd Grade, Scheduled Explosions (Double Double Whammy) »

  1. Eh beh, quel grand dommage de n’avoir jamais été emballé plus que ça par Big Star !!! Mais bon comme disait l’Vieux, la critique est facile l’art est difficile.
    frankiki

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