« Cow-boy retire ton chapeau oh-oh-oh » entonne quelque part un Rémy Poncet hâbleur à l’oreille du taciturne Stéphane “Thousand” Milochevitch. C’est l’une des répliques d’Une Rose est une rose, tir croisé jubilatoire, insolente pleine lucarne et climax (anti) romantique de cette nouvelle collection de chansons.
De cette injonction au dévoilement on tiendrait presque une onde porteuse menant directement à la ligne du Mauvais Départ, la ballade qui lui fait suite. Arrivant en quasi-conclusion d’un disque aux abords si solaire et fougueux, le climat de celle-ci peut paraître autrement plus tempéré, mais ce n’est que pour mieux révéler ce que le disque nous a laissé entendre jusqu’ici : quel que soit le tempo, que le sourire soit radieux ou en coin, Chevalrex chante en visant l’en-dessous et le plus-que-lointain, en contemplant le futur antérieur, pour diffracter en autant de spectres continus la lumière de ses plages ensoleillées que nos oreilles avides de mélodies synthétisent d’abord en toute béatitude.
Et donc vient ce Mauvais Départ et son manteau blanc, dernière valse et ultime retour vers l’enfoui. Le chevalier Poncet y avance gracile, se découvre et, entre la mémoire et le doux-amer, nous dévoile sous son chapeau les sillons d’un horizon aux airs de linceul, enneigé de fantômes.
Si du reste Providence sonne comme une sorte d’épopée à la fois intime et luxuriante, dynamisée par la souplesse d’une section rythmique des plus affûtées, l’atour se fait ici davantage minimal. La guitare en ternaire repose sur les sabots d’un destrier synthétique, une de ces fidèles boîtes à rythmes clignotantes, nimbée dans un halo de réverbération. En haut du spectre, on croirait entendre chanter le vent détraqué par l’électricité statique. Puis se joint la basse, suffisamment mélodique pour faire parfait contrepoint.
Comme chez les plus confiants des cow-boys chanteurs, quatre accords et demi sont bien assez pour faire trotter un classique en puissance, mais même dans ce plus simple appareil, le roi Cheval n’en oublie pas ses intentions à vouloir transformer sa cahute en planétarium. Pour ce faire il s’attache depuis quelque temps déjà, mais ici avec davantage de ressources et de latitude, les services de quelques-uns des plus élégants tisserands en matière de musique spatiale travaillant de ce côté-ci de l’Atlantique. On n’en attendait ainsi pas moins du major Mocke Depret de nous rappeler que la guitare slide peut verser autant dans le tropical que le téléphérique, ou de l’Officier Marguerit pour assister l’« architecte naïf » dans sa vision d’un azur parasité de flocons blancs et roses. À la coda conciliant idéalement la forme et le fond pour nous « hanter encore » et de plus belle, des souffles de cuivre intensifient cette grande berlue des paysages et des humeurs, entre presqu’île et contreforts, entre poudreuse et sable fin, à en confondre la neige et le soleil.
Cette ultime traversée avant l’épilogue Désirade pourrait évoquer aux auditeurs avertis l’étrange mélancolie de Chris Cohen, ou celle du I Hear a New World de Joe Meek ou bien encore les cortèges vacillants du Suédois Jens Lenkman. Elle rappelle surtout que Rémy Poncet est l’un des avant-gardiens les plus doués de notre petit coin du monde où la pop pèche de pas toujours autant faire frémir les filets.