Pépite de deux minutes et vingt secondes lovée dans le dernier quart de l’album de Chevalrex, cette petite chose qui galope, manches de guitares au vent, vaut bien sûr par l’apparition surprise de Thousand – il faudrait redire « cette voix ! » à chacune de ses sorties – éloigné de son univers crypté et cabossé (Le tunnel végétal en 2019, et Au paradis, l’année dernière). La confrontation amicale qui en résulte installe Stéphane Milochevitch dans une sorte d’ouate accueillante dans laquelle il va fredonner et échanger avec la voix tendre du propriétaire des lieux, Rémi Poncet, une sorte de buddy movie de poche. Ou plutôt, une buddy song, un exercice de style moins couru que le duo romantique ou sexy entre homme et femme : on se rappelle l’alcool mauvais de Vieille Canaille, version Gainsbourg–Mitchell, la frustration ado du Discours de la méthode entre Dominique A et Diabologum, la passe d’arme à fleuret moucheté entre Daho et son idole Dutronc (Tous les goûts sont dans ma nature) voire à la scie estivale imparable du duo David & Jonathan (Est-ce que tu viens pour les vacances ? oui ? non ?).
Évidemment, et c’est aussi la signature de bien des chansons pop à succès, une lecture à d’autres degrés (plus chauds) révèle une charge homoérotique assumée et, portée par d’aussi séduisants jeunes hommes, la chanson met le sourire aux lèvres (à défaut d’autre chose). La symbolique pointue de paroles en apparence innocentes (« je t’avais offert une rose ») ravirait de la Citadelle strasbourgeoise jusqu’au pied du Phare ouest de Nice (« cowboy, retire ton chapeau »)… Tout cela se passe dans une grande légèreté quand même, avec une retenue et une élégance qui fait de cette courte cavalcade une ode à l’amitié jusqu’à la mort, à la différence (« Oh comme tu parles trop » / « Et toi qui parles peu »), à siffloter sous la douche, après la décharge d’adrénaline dans les lombaires que nous donnerait une diffusion impromptue, en boucle sur une radio idéale dans un monde idéal.