Avec moi, c’est toujours la même histoire. Enfin presque. C’est presque toujours la même histoire, donc. Tout commence par des images. Des images que suscitent la chanson, les arrangements, le tempo, quelques mots qui s’échappent du texte. Et il n’a pas fallu beaucoup de temps pour qu’ici, elles se bousculent… Alors, c’est une photo magnifique de Bruce Davidson, ce couple de Brooklyn réuni autour d’un distributeur de cigarettes ; c’est le bar tenu par Tom Waits dans Rumble Fish, au moment même où l’on comprend que Smokey a piqué Patty à Rusty ; c’est bizarrement plus l’Amérique d’Eggleston que la France de Doisneau – les couleurs comme pastel qui l’emportent –, mais c’est plus logiquement la fête du Grand Meaulnes qu’une de celles organisée par Gatsby…
C’est une chanson comme celles d’avant, une de celles qui s’échappe d’un transistor qu’on a fini par régler sur la bonne station — même si ça crachote encore un peu et ce n’est pas désagréable. C’est une chanson où Chevalrex n’est pas chevalresque et remise sa timidité au placard pour conquérir une fille déjà prise – mais en fait, les cordes qui s’envolent suggèrent qu’il n’en mène pas si large que ça –, avec en toile de fond la tradition de l’amour à la (chanson) française – de Brel à Aline, l’oubli tient l’un des premiers rôle. C’est Chevalrex plus Alain Delon que Gérard Philipe, c’est une carte postale d’une époque que le jeune homme – malgré les fines moustaches en guise d’illusion – n’a pas vécue, les années charnières entre les décennies 1950 et 1960. C’est des pulls col en V et des jupes plissées dans le soleil qui décline, c’est des regards qui se baissent et des silences qui en disent tellement plus long, c’est un index qui se pose sur une bouche entrouverte, c’est une lettre qu’on n’attendait pas aussi tôt. C’est une chanson qui fait oublier le gris d’aujourd’hui – et entre nous, c’est plutôt une bonne chose. C’est une chanson qui donne envie de danser un slow, surtout si l’on a fini par trouver un.e partenaire à sa hauteur. Alors voilà, c’est une chanson comme ça. Et il n’y en a pas tant que ça.