Triptides, Visitors (Requiem Pour Un Twister)

TriptidesTout est joué depuis bien longtemps, c’est entendu. Et alors ? Pour qui refuse de restreindre son inextinguible soif de découverte musicale dans un monde et une époque où l’inouï est en voie de disparition, les solutions ne sont pas nombreuses. En l’occurrence, il n’y en a probablement que deux – pas forcément incompatibles d’ailleurs : investir dans une énième réédition modérément augmentée de  Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band ou de Forever Changes pour tenter de dénicher, au détour d’une piste alternative ou d’un mix inconnu, les effluves de l’inédit, seules susceptibles de procurer à ceux qui sont nés trop tard la sensation de la découverte rétrospective d’un chef d’œuvre mille fois ressassé. Ou bien écouter Triptides. Né dans l’Indiana en 2010, désormais installé à Los Angeles et bénéficiant de l’hospitalité d’un label français animé par un habitué de ces pages, Alexandre Gimenez (avec son frère Etienne), le quartette a concocté avec ce cinquième album un remarquable antidote à la rétromanie culpabilisante. Assumant sans la moindre trace de vergogne leurs références solidement ancrées dans l’histoire du psychédélisme, Glenn Brigman et Josh Menashe en explorent les recoins et les méandres avec une passion cultivée et un sens éprouvé du détail qui balaient instantanément les traces poussiéreuses et étouffantes des tentations revivalistes. Là où tant d’autres se contentent de convoquer les artifices accessoires et stéréotypés d’un genre toujours propice à l’éclosion des reconstitutions superficielles, Triptides, sans aucune complaisance pour le décorum stroboscopique ou les tenues tie-dye parfumées au vieux patchouli, fonce directement à l’essentiel. A savoir des chansons fort bien écrites, possédant un fil directeur et une cohérence qui les protègent de toute tentation purement digressive ou d’improvisation pénible. Les harmonies orientalisantes sont souvent présentes, tout comme les nappes d’orgue millésimées du farfisa ou du mellotron. Mais l’énergie et l’ambition qui imprègnent ces compositions classiques débordent de toute part le cadre trop strict de la reconstitution historique pour mieux tracer des liens inattendus et captivants entre les années et les continents qui rapprochent le San Francisco des années 1960 de la scène Paisley Underground ou encore du Liverpool des années 1980. Car ce n’est pas un Sky Saxon décati que l’on croise au détour de Sunday In The Park ou Saturday Far Away mais bien le jeune Michael Head tout fringant, tout droit sorti des premières répétitions des Pale Fountains. Au culte compassé des ancêtres, se substitue alors une forme d’hommage cumulatif et bien plus émouvant à tous ceux qui, au fil du temps, on fait de l’acid-rock non pas une forme figée et engoncée dans ses abus complaisants mais un cadre musical ouvert, appelant sans cesse à son propre dépassement. Passeurs passionnés et émancipés, Triptides en prolongent dignement les traditions les meilleures.

https://requiempouruntwister.bandcamp.com/album/visitors

Une réflexion sur « Triptides, Visitors (Requiem Pour Un Twister) »

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *