The Garden, Mirror Might Steal Your Charm (Epitaph)

The Garden Mirror Might Steal Your CharmQu’il fasse sortir de votre bouche sèche un soupir de contentement ou une nausée incontrôlable, impossible d’enlever au troisième album de The Garden, Mirror Might Steal Your Charm, son étourdissante propension à provoquer des réactions aussi épidermiques qu’imprévisibles. Depuis haha en 2015 et la poignée de singles et EP’s qui l’ont suivi (dont le toujours délicieux Call This # Now en 2016), les frères jumeaux Wyatt et Fletcher Shears semblent avoir perfectionné leur punk oblique et quasi-aléatoire pour en faire aujourd’hui la plus excitante démonstration d’un rock en négation, crachant de l’idée tordue par hectolitres, à des lieues de la lente décomposition d’un certain indie rock aux guitares papiers-peints tricotant de l’accord bossa-nova sous péridurale. Ici, l’effet de surprise n’est pas un gadget mais une philosophie. Il s’agit de tirer à côté en permanence, juste pour essayer. C’est que The Garden est l’absolu produit d’une génération qui a déjà tout vu, tout lu et tout entendu du vieux monde, et ne sera plus divertie qu’avec les plus insensées mutations soniques possibles, dans un spectacle aussi macabre qu’exaltant. Parce que le post-punk américain ne peut plus se suffire à lui-même, autant lui greffer à l’arrachée des agrégats difformes de synthétiseurs MIDI zolo, de beats jungle ou de breaks hip-hop pour blancs-becs.

Une orgie de genres ayant pour progéniture ce tas de tubes cabossés et malades, où l’on retrouve en creux l’audace crépusculaire des Liars de la grande époque. Shameless Shadow ou Banana Peel, avec leurs cuivres en plastique, ressemblent à des descentes aux enfers dans les entrailles d’un jeu de plateforme sur Playstation en 1998, tandis que Good News mêle bruits de téléphone, rap pubère et claviers Yamaha crevés pour un résultat délicieusement agaçant. Mais n’allez pas croire que tout cela ne soit que du vieux second degré délavé de gamins ennuyés. Plus le temps d’être ironique en 2018. Derrière le capharnaüm, The Garden signe avant tout des morceaux magnétiques et brillants, dont l’éclat est peut-être plus facile à saisir quand le duo revient aux fondamentaux : sur Call The Dogs Out, pépite garage faisant la synthèse de quatre décennies à la fois, ou encore le générique de fin No Destination, titre-programme crépusculaire absolument splendide venant s’éteindre au plus près de nos tympans. The Garden ne va peut-être nulle part, mais mieux vaut être du voyage que de rester, comme tant d’autres, à faire du surplace.

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