Sonic Boom, All Things being Equal (Carpark Records)

Trente ans après Spectrum, sommet de psychédélisme bruitiste et lysergique, Peter Kember réactive l’entité Sonic Boom pour porter ses obsessions musicales à une sorte d’achèvement. A savoir, un croisement passionnant entre garage rock 60’s/70’s, early electronic, drone et musique répétitive, qui aura porté l’art de la construction hypnotique à sa perfection. Après avoir formé avec Jason Pierce (Spiritualized) le noyau dur de Spacemen 3, formation culte proto-shoegaze, mené deux projets parallèles plus personnels, Spectrum, donc, et Experimental Audio Research, et enfin travaillé pour divers groupes incarnant un certain revival psyché au milieu des années 2000 (MGMT, Panda Bear, Beach House), c’est en reprenant un travail inauguré avec le fameux LP de 1989 qu’il nous revient aujourd’hui. Avec une pratique toute postmoderne de la citation qui évite les facilités du retro : le Velvet sous perfusion La Monte Young rencontre Cluster, Suicide, ou encore certains pionniers électro comme Morton Subotnick ou Delia Derbyshire, pour mieux réinfuser une filiation acid pop caractéristique de ces quinze dernières années (Animal Collective, Tame Impala). Et le résultat est impressionnant : All Things Being Equal ne constitue ni plus ni moins que l’un des meilleurs disques de Peter Kember, ceux de Spacemen 3 compris. Dès Just Imagine, qui ouvre l’album, le ton est donné, l’épaisseur des timbres propres aux synthétiseurs analogiques (on croit discerner ici le fameux EMS Synthi) s’hybridant avec la sophistication mélodique typique d’une certaine écriture pop 60’s. La tonalité rétrofuturiste de l’ensemble, que marque un usage exclusif de l’instrumentation électronique lorgnant en direction de l’âge d’or des studios de recherche musicale (BBC Radiophonic Workshop notamment), est ainsi particulièrement prégnante sur des titres comme My Echo, My Shadow and Me ou Tawkin Tekno. On pense bien évidemment ici à un Brian Eno qui aurait exploré le territoire des recherches psychotropes : toute la trajectoire de Kember, depuis le milieu des années 1980, a été marquée par cette obsession du psychédélisme, mais qui quitterait ici ses rivages les plus sombres et paranoïaques pour tendre vers un horizon plus dégagé et optimiste. C’est ce que peuvent nous indiquer par exemple les paroles de Just Imagine : Just imagine what you can do/ Just imagine let it all come though/ Just imagine that the back of your mind / Just imagine that you’ll be fine… Aussi, avec All Things being Equal, projet entamé dès 2015 sous forme de sessions purement instrumentales, Sonic Boom accomplit un itinéraire tout entier dédié à la recherche de l’intensité sonore propre au minimalisme noise. Avec notamment I Feel a Change Coming On, véritable hymne sous substance qui clôt de manière magnifique cet album fascinant, boucle avec une rare élégance l’un des parcours les plus passionnants de la musique anglaises de ces dernières décennies.

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