Modern Studies, The Weight Of The Sun (Fire Records)

Maintenir l’union en dépit de la distance. Enjamber en musique l’étendue qui sépare. Voici une fois encore, réduit à peu de mots, le projet pas si banal auquel Rob St John et Emily Scott s’attachent à donner corps. Des deux interprètes et songwriters principaux qui constituent le cœur du quartet écossais, l’un réside dans le Lancashire et l’autre en Ecosse. De là, sans doute, est née cette belle musique des interstices et de l’entre-deux. Ce troisième album de Modern Studies prolonge en effet l’exploration des confins, la recherche d’un équilibre instable qu’il serait possible d’établir en arpentant simultanément plusieurs frontières. Celle d’abord qui sépare le savoir-faire des Anciens et les innovations contemporaines.

D’emblée, Photograph emprunte un sentier où les chœurs psalmodiés s’entremêlent harmonieusement à d’autres circularités rythmiques et répétitives plus modernes. Toujours solidement ancré dans les traditions aux vertus simples, le groupe s’attache tout au long de ces douze morceaux à faire usage d’une palette instrumentale plus large encore, où il réajuste à l’aide de délicates touches électroniques les contours ténébreux de ses balades folks. Il y est beaucoup questions d’espaces intermédiaires, de passages et de couloirs (Corridors), de tous ces entre-lieux qui isolent en même temps qu’ils relient et qui invitent ici à la divagation poétique davantage qu’aux trajets trop bien réglés. On s’y attarde ainsi pour mieux saisir les nuances infinies d’une lumière fluctuante (The Blue Of Distance, Shape Of Light). Pour les dépeindre, St John raconte avoir été inspiré par les mots de l’écrivaine américaine Rebecca Solnit pour laquelle le halo bleuté qui nimbe les contours de la planète constitue le résidu d’une lumière égarée. C’est ce même rayonnement, ni tout à fait nocturne ni réellement solaire, qui auréole les silhouettes et les paysages et permet de restituer, en les enrobant d’incertitude, la confusion des impressions et des sentiments. Dans cet univers de nuances fluctuantes, les deux voix féminine et masculine poursuivent leur dialogue ininterrompu et très contrasté, leur duel pudique, sans que l’on puisse discerner qui, de la Belle ou de la Bête, pourrait l’emporter et se passer un jour de son indispensable complément. Comme toujours dans ces cas-là, Lee et Nancy ne se trouvent pas très loin. Mais c’est surtout aux Walkabouts de Nighttown (1997) que l’on songe en entendant le couple quitter les campagnes sauvages qu’il s’est échiné à dépoussiérer pour enfin entrevoir les scintillements de la ville (Back To The City). Sans vraiment se confondre, ces deux-là parviennent fort bien à se trouver.

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