Plus que jamais, la passion musicale demeure essentielle et, à la fois, un peu dérisoire. En particulier lorsqu’on se surprend à exercer la même vigilance teintée d’anxiété à guetter les moindres nouvelles, même périphériques, en provenance d’un groupe particulièrement chéri que celle qui s’impose lorsqu’il s’agit de suivre les péripéties terrifiantes de l’actualité du vrai monde. Surveiller Glasgow en général et tout ce qui concerne Teenage Fanclub en particulier avec l’attention que mériterait, seule, l’ébauche d’un troisième conflit mondial : on a beau ne pas être complètement dupe du ridicule de ce genre de dérivatif, il faut bien vivre. Et se réjouir tant qu’on le peut de l’insignifiant : le retour sur scène de Gerard Love en ce début d’été, par exemple – en première partie des concerts locaux de The Bevis Frond et de Michael Head. Ou encore la découverte fortuite de ce premier album de Finlay MacDonald sous le pseudonyme de Wor_kspace.
Au fil des décennies, on avait presque complètement perdu la trace de celui qui fut un compagnon de route des BMX Bandits dans les années 1990 puis un membre éphémère de Teenage Fanclub entre 1997 et 2001. Alors qu’il se consacre désormais à l’enseignement de la musique, les confinements successifs lui ont offert, comme à tant d’autres, quelques heures et journées en marge des routines professionnelles alimentaires. C’est ainsi que sont nées les onze chansons qui composent ce premier véritable album qui succède à une collection introductive de pièce instrumentales – Shipping, 2022 – publiées en février. Par commodité matérielle, sans doute, mais aussi par choix, MacDonald s’est aventuré pour la première fois dans le domaine des musiques électroniques. Si les tonalités synthétiques dominent incontestablement, il n’y a pourtant pas la moindre trace d’avant-gardisme abscons dans la plupart de ces chansons pop limpides et évidentes. L’archaïsme des sonorités et des rythmes est même souvent assumé, comme s’il s’agissait de renouer avant tout avec la spontanéité joyeuse des premiers contacts enfantins avec les touches des claviers d’un jouet Fisher Price ou d’un antique Bontempi. Cette simplicité formelle apparente – simplicité, et non pas minimalisme tant la générosité de l’intention transparaît en permanence – n’est pas sans évoquer quelques-uns des albums que l’on a toujours préférés au sein du catalogue de Morr Music. Elle prolonge l’impression dominante de mélancolie infinie qui émane de ces mélodies très inspirées, qu’il s’agisse d’évoquer les désordres amoureux (Thanks, Tungsten) ou les tourments du deuil (Quantum, Starship). « Je ne pense pas qu’une musique dépourvue d’une certaine dose de tristesse puisse être intéressante » résume MacDonald dans les quelques lignes qui constituent sa déclaration d’intention. Sur ce point, comme sur tout le reste, l’accord s’avère parfait.