La musique, telle que nous l’aimons, vit une drôle d’époque. Deux nouvelles, guère réjouissantes, annoncent des mois compliqués pour les disques vinyles et ceux qui les défendent (disquaires, labels, distributeurs, etc). Tout d’abord, cette augmentation de prix vertigineuse de certaines références, notamment en major. La hausse actuelle générale a une origine légitime : avec le COVID, les sources d’approvisionnement en matière première n’ont pas produit à la hauteur de la demande actuelle, entraînant de fait une légère revalorisation des prix. Vous vous doutez cependant que l’impact de la matière plastique sur le prix final est un peu anecdotique, vraisemblablement de l’ordre de un ou deux euros sur le prix final chez votre crèmerie favorite, si les labels jouent le jeu. Le communiqué du GREDIN (le syndicat des disquaires indépendants) du 22 juin dernier alerte cependant sur une stratégie mise en place par certaines maisons de disques, utilisant le prétexte de la hausse des matières premières (vrai phénomène) pour revoir complètement les grilles de tarifs. Le texte prend ainsi en exemple un disque de Téléphone dont le prix, pour les professionnels, est passé de 12,49€ HT À 30,05€ HT ou encore Premiers Symptômes de Air (de 10,80 € HT à 26,50 € HT). Même en rognant sur leurs marges (ce que font souvent les disquaires sur les disques chers), l’addition reste très salée. Il est alors évident que ces décisions ne relèvent plus de la simple répercussion de la tension actuelle sur le marché des matières premières. À l’arrivée, de nombreux disquaires vont tout simplement arrêter de commander ces références pourtant classiques et très demandées. Comme le souligne le GREDIN : « Il est inconcevable pour nous disquaires, de proposer des vinyles à un tel niveau de prix. » Le message envoyé pose aussi question. Quelle image donne-t-on du vinyle en vendant Led Zeppelin II, un disque amorti depuis des décennies, à 40 ou 50 euros ? Il semblerait que certains cadres bien informés considèrent alors le disque vinyle comme un produit de luxe. Pourtant, de nombreux amateurs ont choisi ce format, avant tout, pour écouter et apprécier la musique quotidiennement, comme moyen d’écoute principal. Il y a un risque réel de couper cet objet, qui a survécu grâce aux niches, de la jeunesse et d’en faire les funko pop des quadras aisés nostalgiques. Cette fétichisation du disque vinyle prend ainsi parfois des chemins qui pourraient lui être préjudiciable.
Autre mauvaise nouvelle : l’application d’une directive européenne relative aux achats en ligne en dehors de l’Union Européenne. Il y a quelques jours nous recevions un long message de Discogs nous expliquant son application sur le site. Concrètement, depuis le 1er juillet, les marketplaces (eBay, Amazon, Discogs, etc) collectent automatiquement la TVA pour les gouvernements. Vous êtes concernés si vous achetez ou vendez des disques dans des pays comme le Canada, le Japon, les États-Unis ou la Grande Bretagne. C’est la fin de la tolérance de la poste sur les petits paquets. Désormais la TVA et les frais de douane s’appliquent dès le premier euro ; alors qu’auparavant prévalait une exonération théorique en dessous de 22 € et en pratique bien plus souple. De surcroît, les services postaux devraient aussi appliquer la directive, donc ne comptez pas trop sur eux pour échapper à la sentence. La législation vise très clairement le commerce avec les sites chinois (ceux qui font des publicités à la télévision ou sur Facebook) mais l’achat/vente de vinyle ou de n’importe quel autre format physique ne font pas exception. Nous sommes nombreux à avoir réduit nos commandes dans certains pays, notamment les États-Unis, avec l’augmentation des frais de port postaux. Les labels britanniques risquent aussi de voir leurs commandes de particuliers installés en Europe, en direct, fondre. C’est globalement une mauvaise nouvelle pour notre fragile écosystème de labels dont les revenus dépendent parfois aussi de ventes hors UE. S’il n’y a pas débats sur la nécessité de cette mesure sur un plan fiscal et de l’intérêt général, il est dommage que la musique en soit une victime collatérale. Son statut de produit culturel au même titre que le livre lui a toujours été refusé, il serait peut-être temps de remettre le sujet sur la table. Reste la question de la légitimité de percevoir une TVA à 20% sur des objets d’occasion (les revendeurs la payant sur la marge qu’ils ont faite et non le prix total) ou chez des structures (associations ou sociétés) qui ne la récupèrent pas ? Quoiqu’il en soit, ces deux nouvelles, ainsi que les problématiques actuelles de distributeurs, rendant notre univers plus chancelant que jamais. Espérons que la médiatisation et la mobilisation des acteurs autour de ces questions permettront d’entrevoir l’avenir plus sereinement.
Une des vrais raisons de cette flambée des prix c’est que les majors veulent a terme supprimer un tas de référence de leur fond catalogue , j’ai toujours pensé quand France ils fallait légiférer sur le prix du disque et imposé coûte que coûte un prix unique comme pour les livres