Peut-être le groupe britannique, mais écossais avant tout, à avoir été le plus en phase avec son époque au début des années 90, Teenage Fanclub n’est pas le fruit du hasard, plutôt la congrégation heureuse d’un certain underground écossais. Ses origines, sa formation et sa remarquable continuité temporelle en font, sans objectivité aucune, un point de ralliement permanent, et peut-être bien notre groupe préféré de tous les temps. Le plus grand mystère restant qu’à la longue, cette vieille alliance entre ténacité et effacement volontaire, cette carrière démarrée en trombe ne suit désormais que son propre chemin, entre parcimonie et éclairs de génie.
Ce n’était pourtant pas gagné à la sortie de A Catholic Education en 1991, disque enregistré à compte d’auteur (la malice et l’astuce, déjà) que nous prenons comme une simple information (venue une fois de plus du clan Pastels) malgré la présence d’un classique absolu, Everything Flows.
De prime abord, ce que l’on présente maladroitement comme la réponse écossaise à Dinosaur Jr. et au Grunge paraît en fait comme une désarmante armée grise qui tenterait de mettre de la couleur en faisant du bruit mais contrairement à My Bloody Valentine, pas le plus de bruit possible. Ce premier album, c’est une bande d’anciens cuties mongols qui tentent se prendre pour le Crazy Horse de Neil Young période Zuma, on ne parle pas encore de Big Star, mais ça ne va pas tarder. Les membres de Teenage Fanclub viennent d’une scène écossaise d’obédience pop, mais qui ne craint ni le chaos, ni l’exubérance. Duglas T. Stewart et ses BMX Bandits (comprendre l’équivalent local de Jojo Richman et ses Modern Lovers) sont la matrice du groupe, et Norman Blake y fera ses armes, tout en conduisant en parallèle The Boy Hairdressers avec Raymond McGinley et Francis MacDonald, et qui sortira un unique 7 » sur 53rd&3rd, le label de Stephen Pastel.
Cet unique quarante cinq tours s’intitule Golden Shower, et peu de groupes de la scène C86 et assimilés auraient eu les couilles de consacrer un morceau aux douches à la pisse. Esprit potache ou pas, gnagnagna Superdrug.
Dans la bande, il y a aussi un personnage fascinant et peu ramenard qui aura pourtant une carrière incongrue et fascinante, c’est Joe Mc Alinden, le grand arrangeur de l’ombre de tous les grands disques à venir.
Enfin peu ou prou, de bouche à oreille en concerts incendiaires, Teenage Fanclub signe sur Paperhouse, sous label de Fire (Spacemen 3, Television Personalities) emmené par Dave Barker (Glass records) qui leur trouve des connexions américaines et sort à l’été 91 un maxi qui va tout faire exploser : God Knows It’s True. Morceau au delà du jouissif, ce tube absolu va propulser le groupe dans une dimension médiatique parallèle, single of the week, couverture de Sounds…
Un autre écossais, un certain Alan McGee, constate alors en même temps que les gars qu’il est grand temps de passer à la vitesse supérieure et de battre le fer tant qu’il est chaud. C’est donc en toute logique que le Fanclub, ou les Fannies (les petites chattes, comme on les surnomme alors) rejoint l’écurie Creation et va y sortir d’abord un mini LP un peu batard, The King, annonçant le magnum opus Bandwagonesque qui paraîtra quasiment le même jour que Loveless de My Bloody Valentine, en novembre 91. En parallèle, et sous les bons auspices de Kurt Cobain qui en est fan, le groupe signe un contrat pour l’Amérique avec Geffen. Produit par Don Fleming, Bandwagonesque devient un succès mondial, et fait la première partie de Nirvana.
Alors qu’il aurait du peut-être se reposer un brin, le groupe sort pourtant Thirteen (pied-de-nez sublime à ceux qui l’auront trop souvent comparé à Big Star) à l’automne 93. Mal considéré à sa sortie (on ne pardonnera sans doute jamais cette calamiteuse chronique dans les Inrocks), le disque à pourtant pris avec l’âge et malgré des sons de guitares parfois un peu brouillons, la stature d’un autre classique. Et grâce à deux références explicites aux Byrds (Fear Of Flying et Gene Clark), on commence à y voir rétrospectivement ce qu’est vraiment ce groupe, sa source et son cheminement : des Byrds écossais. Plus de richesses et de diversité en devenir donc, que ce nid à malheur, aussi génial soit il, que fût Big Star. D’ailleurs le groupe s’accorde une pause bien méritée, remet les compteurs à zéro, et change de batteur.
Norman Blake poursuivra cette obsession jusqu’à oser une pilosité faciale digne d’un Roger McGuinn sur la pochette du single Sparky’s Dream, qui annonce la sortie de Grand Prix (1995), qui va finalement asseoir le groupe plus américanophile que jamais en pleine britpopubes.
C’est en en ayant apparemment plus rien à foutre que les Fannies vont aboutir à leur chef d’œuvre absolu, Songs From Northern Britain (1997).
En l’an 2000, le seul bug vraiment visible, c’est qu’Alan Mc Gee va saborder pour de bon Creation. Récupérés par Sony, qui sortira dans la foulée une superbe compilation, porte d’entrée idéale pour les béotiens, le groupe sort Howdy !, que personne ou presque ne remarquera. On craint la fin, ce sera juste une longue pause.
Erratum :
1. Fannies = Fesses voir trouducs
2. La photo de Norman Blake en couverture d’un single, c’est sur « Mellow Doubt » et non « Sparky’s Dream »