Grain vibrant du film numérique venu d’un autre siècle. Un type est assis sur une chaise au milieu d’un champ où se sont éparpillées quelques touffes de neige grise. Caressant du doigt une guitare taille enfant, sa voix perce le souffle muselé de la tremblante captation. Il dit : « You’re my everything, you make me feel alright. You’re the only thing that makes me feel alright ». L’atemporalité du fragment est peut-être ce qui envoute le plus. Ce chant hors d’âge, cette supplique tranquille et immuable pour un être aimé – comme des milliers ont déjà été négligemment marmonnée par d’autres rêveuses et rêveurs. La beauté en apnée. C’est comme ça que l’on est retombé sur King Krule, en novembre dernier, deux ans après son grand The Ooz, à l’occasion d’un court-métrage en guise de retrouvailles, collection vidéo de démos acoustiques fredonnées en pleine nature face à l’objectif de la photographe Charlotte Patmore, sa compagne. Intitulé Hey World!, il enveloppait avec la chaude familiarité d’un vieil ami, égaré puis réapparu dans la brume des jours qui fuient. Un peu plus vieux, un peu plus sage, mais dont un souffle seul suffit à faire jaillir quelque chose d’intime et d’incassable. Lui, instantanément. Continuer la lecture de « King Krule, Man Alive! (Matador) »