Pour tout indie kid en devenir, être adolescent pendant la première moitié des 90’s a forcément signifié une passion plus ou moins affirmée pour Nirvana, et pour le rock alternatif US plus globalement. Une esthétique et une éthique de l’authenticité rock et punk, centrée sur la guitare et le culte de la distorsion. Une manière de réagir au formatage de certaines productions typiques de la décennie précédente, à leur sophistication et maniérisme surjoués. Le synthétiseur et ses gimmicks/items incarnant dans cette perspective le contre-modèle absolu. Difficile à première vue d’expliquer, à la fin de cette décennie, le basculement de ma génération en direction des musiques électroniques, de leur versant le plus dancefloor à leur déclinaisons plus « domestiques » (IDM, electronica…). Je me revois hésiter devant une mauvaise compile techno, du genre Global Techno vol. 1, comme il s’en faisait tant à l’époque. Finalement, me décider un peu honteusement à l’acheter. L’écouter rapidement, et revenir à mes réelles amours indie – Pavement et Dinosaur Jr. à l’époque. Pour quelque temps plus tard définitivement succomber à la bleep- bass de LFO et à l’ambient-house de Orbital. Un tournant dans mes goûts donc, suffisamment important pour faire bouger un certain nombre de lignes, d’autant plus étonnant et difficile à sonder que sa soudaineté a pu opérer sur le modèle de la table rase, en m’éloignant pour un bon moment d’un certain format pop. Quelque chose devait donc bien travailler mon inconscient esthétique pour permettre une conversion aussi subite.
A bien y réfléchir, il y avait en effet cette K7 de Technotronic, offerte par mon père aux alentours de mes 11-12 ans. Allez savoir pourquoi, j’étais obsédé par ce titre à l’efficacité redoutable : Pump Up The Jam. Croisement entre new beat belge, techno, acid house et hip hop, ce tube improbable préfigure cette vague qui quelques années après prendra le nom d’eurodance. Mais d’une manière si singulière et, osons le mot, « radicale », qu’il tranche avec tout ce qui a pu se faire par la suite. Aujourd’hui, Pump Up The Jam fait partie de ces titres consacrés, présent dans de nombreux mix techno au positionnement « pointu ». Comme s’il s’agissait de rendre hommage à ce qui au sein du mainstream avait pu préparer nos oreilles aux déflagrations rave et post-rave à venir : BAR type 909, bassline et samplers. Un minimalisme brutaliste typique des sonorités early house et techno alors inconnues par le grand public. Et qui a dû m’impacter de manière souterraine, quelque peu à contretemps (en 1989, j’étais un peu jeune pour succomber à l’efficacité dancefloor du titre), mais de manière suffisamment profonde pour que, quelques années plus tard, les sonorités de TB 303 ou de SH 101 agissent sur moi avec autant d’évidence. Bref, c’est peut- être cela « un morceau qui a sauvé mon adolescence ». Quelque chose qui serait de l’ordre de la réminiscence, et qui permet de comprendre rétrospectivement la constitution d’un goût.
Stranger Teens #16 : « Pump Up the Jam » par Technotronic feat. Felly
Tout l’été, les morceaux qui ont sauvé notre adolescence.