Brighton, 1985. Robert Sekula et Kevin Canham, réunis par un amour commun pour les Byrds, Jesus and Mary Chain, Nick Drake et le Velvet Underground, décident de former 14 Iced Bears. De cette heureuse collaboration naîtront une série d’excellents 45 tours et flexis ainsi que deux albums – 14 Iced Bears et Wonder -, qui contribueront à l’édification de la légende de la pop labellisée C86. Le single Come Get Me, sorti en 1988 chez Sarah Records, qui comprend également le fabuleux Unhappy Days et le sublime Sure to See – un des rares titres de l’époque capable de se hisser à la hauteur d’une merveille comme Emma’s House des Field Mice -, apparaît aujourd’hui comme emblématique de l’âge d’or de l’indie pop anglaise des années 1980. Avec leur deuxième album sorti en 1991, le groupe, influencé par 13th Floor Elevators et The West Coast Pop Art Experimental Band, voguera vers des horizons beaucoup plus psychédéliques, mais avec autant d’inspiration.
>>> English version below, thanks to the group itself.
Les fans ne remercieront jamais assez Mike Schulman de Slumberland Records d’avoir sorti en 2001 l’indispensable compilation de référence In the Beginning, qui reprend les plus grands titres des Bears dans leurs meilleures versions. On peut aussi tirer notre chapeau à Cherry Red Records pour la parution de Hold On en 2007, réédition intégrale du catalogue de ces icônes indie pop.
En 2010, 20 ans après leur séparation, les 14 Iced Bears se sont reformés, ont tourné deux fois aux USA et ont pu ravir leurs fans lors d’un concert mémorable au festival Indietracks en 2012. Mais côté composition, il n’y avait rien à signaler. C’est seulement en décembre 2019, après… trente ans de silence, que Robert Sekula a publié son premier single, une chanson de Noël très appréciable, qui avait laissé naître l’espérance de son retour aux affaires. Mais il aura fallu patienter jusqu’au mois de juin dernier pour enfin découvrir un nouveau single intitulé Pamela. Et quelle belle surprise ! A l’écoute de la voix angélique de Sekula, toujours aussi jeune et mélodieuse, on se prend à croire que l’ancien brightonien a trouvé un élixir de jouvence ou qu’il possède un portrait de Dorian Gray dans son grenier. Cette composition est habitée par le feu sacré des premiers instants de 14 Iced Bears, comme si le temps avait suspendu son vol. Les guitares, la batterie, la production et les arrangements sont tout en délicatesse et en légèreté ; les parties vocales, célestes et gracieuses, sont dignes des meilleurs singles des années Sarah Records. Bon, il faut dire que cette chanson existait déjà il y a très longtemps, mais elle n’avait jamais jusqu’ici été enregistrée. Quoi qu’il en soit, le génie mélodique de Sekula est intact, et on jubile de retrouver cette voix unique, capable de passer si aisément des aigus aux graves avec sensibilité et nuances, sans jamais tomber dans le moindre maniérisme.
La musique, qui plonge l’auditeur dans une atmosphère d’ivresse rêveuse, s’accorde de la plus heureuse des manières au texte, qui évoque l’espérance du retour d’un amour éloigné mais qu’on croit encore possible. On se prend alors nous aussi à s’envoler en esprit à l’écoute de la strophe « Pamela, you make me fly« , particulièrement touchante. On ne s’attendait vraiment pas à un retour aussi inspiré. Il faudra donc suivre de près les prochaines réalisations de Sekula, qui m’a confessé avoir des tonnes de chansons en stock, prête à être enregistrées. En attendant, l’ex-14 Iced Bears s’est prêté au jeu du Selectorama et revient sur quelques titres qui comptent pour lui et ont contribué à former sa sensibilité. « J’ai choisi ces dix titres et ces groupes car ils me sont toujours aussi essentiels aujourd’hui que dans le passé ! Et j’ai tenté, en guise de bonus, de classer les chansons dans l’ordre selon lequel je les ai écoutées pour la première fois. »
01. The Teardrop Explodes, When I Dream
J’ai entendu ce titre pour la première fois alors que j’étais à fond dans le post-punk, au moment où celui-ci commençait à prendre une orientation psychédélique (je pense par exemple à ce qu’a fait The Jam avec Sound Affects). C’est comme si un nouveau monde s’ouvrait à l’adolescent que j’étais. Cette chanson avait tout pour elle : une ambiance sonore à part, un groove hypnotique et une belle mélodie.
02. Pink Floyd, See Emily Play
Le premier disque du Floyd que j’ai acheté, dont le titre était Masters of Rock, avait une couverture affreuse avec l’Union Jack dessus. Mais y figuraient de vieux singles comme See Emily Play ou Candy and a Currant Bun. Pour moi, See Emily Play est le meilleur single des sixties, même si je sais que l’affirmation est osée. Syd est dans mon top 2 des meilleurs guitaristes de tous les temps. Je parlerai de l’autre guitariste plus tard.
03. Echo and the Bunnymen, The Cutter
Et voici le meilleur single des années 80. C’est une chanson pop unique en son genre. Tout ce qu’ils ont fait à l’époque de Heaven Up Here était incroyablement original. Leur son doit beaucoup à Pete De Freitas, mon batteur préféré, qui a créé son propre style de dance music, du genre à vous retourner le cerveau.
04. Big Star, September Gurls
La première fois que j’ai entendu la fabuleuse December’s Got it Bad, ça m’a scotché. Je suis né en décembre, alors cette chanson me semblait destinée. Autour de 1991, avec les 14 Iced Bears, on a fait la première partie d’Alex Chilton. Quand on a quitté la scène, il est venu nous voir pour nous dire qu’il avait vraiment aimé notre concert. A partir de ce moment, je n’ai plus rien eu à faire de ce que les autres pouvaient penser de nous. Ça n’avait plus aucune importance ! J’ai chanté ma chanson Pamela à Alex, sur le balcon du Columbia Hotel à Londres, lors de sa dernière tournée. J’avais pu le rencontrer grâce à des amis communs. Il m’a dit qu’il n’arrivait pas à croire que c’était moi qui l’avait écrite, tellement il était emballé. Merci encore Alex !
05. 13th Floor Elevators, Postures
On a dédié la première compilation de 14 Iced Bears, Precision, sortie en 1988, à Tommy Hall, leur parolier. Ces textes ont été pour moi une véritable source d’illumination à cette époque. Easter Everywhere fait toujours partie de mes albums préférés. Cette chanson est la quintessence de ce qu’il a toujours essayé de dire : « Keep climbin’ and bathe in the sun that dawns in the darkness when the journey’s begun ».
06. Bachelor Pad, The Albums of Jack
J’ai choisi cette chanson en hommage à Tommy Cherry, qui nous a malheureusement quitté récemment. Son groupe a été une étincelle psychédélique dans le monde de l’indie du milieu des années 80. C’est une sorte de Syd Barrett sorti d’un HLM de Glasgow. Il faut écouter ça, tout particulièrement Albert Hoffman et Do it For Fun.
07. The West Coast Pop Art Experimental Band, Outside/Inside
C’est mon groupe préféré des sixties. Je suis toujours sidéré que presque personne n’ait jamais entendu parler d’eux. Ils sont un peu la version US du Floyd période Syd Barrett, mélangeant fabuleuses expérimentation et mélodies merveilleuses. Et comme en écho à cette musique unique en son genre, leur histoire est entourée de mystère et de controverses. Malgré ça, leur génial chanteur (ado à l’époque), Michael Lloyd, préfère parler de son travail de producteur de Barry Manilow [un chanteur de charme américain ringard.] Ron Morgan, qui est certainement mon guitariste préféré, a aussi fait partie du groupe. J’ai nommé mon studio « Inside Outside Studio » en hommage à cette chanson.
08. Gram Parsons, Brass Buttons
Il ne m’a pas fallu longtemps après avoir entendu sa voix pour me rendre compte que Gram était mon chanteur préféré. C’est comme s’il actionnait un bouton en moi, et cette chanson est une de celles que je préfère. J’ai réussi à passer une nuit à la Joshua Tree Inn et j’ai passé la soirée à déambuler autour de la petite piscine de l’hôtel qui porte le nom de Gram Parsons. J’espérais que son fantôme allait me rendre visite, mais j’ai attendu en vain le retour de l’ange mélancolique.
0 9. Ween, Don’t Laugh I Love You
La meilleure chose qui me soit arrivée pendant la pandémie de Covid, c’est que je suis venu à penser que Ween est le meilleur groupe du monde. Il ne faut pas simplement écouter une ou deux de leurs chansons, ça ne donnerait pas une idée juste de ce qu’ils font. Leur musique part dans toutes les directions, de la bubblegum pop la plus extrême – comme le montre la chanson que j’ai choisie – au punk hardcore le plus brutal, en passant par le glam rock, le prog, la handbag house, la soul seventies, le psyché, la varietoche façon Chris de Burgh, le reggae et le hard rock. Il n’ont pas style particulier, mais une méthode. Ween est constitué de deux prétendus frères qui, depuis leurs débuts, alors qu’ils n’étaient que des ados – avec le sismique GodWeenSatan -, ont mélangé toutes les formes de musique et en on fait ce qu’ils voulaient, de façon souvent subtilement hilarante.
10. Scott Walker, Duchess
Je plains quiconque n’a pas passé une froide soirée, au chaud dans son lit, à écouter les albums solos de Scott de la fin des sixties. Sa voix et son imaginaire si riches et la musique luxuriante qui les entoure ont le don de me faire entrer en lévitation, comme Billy dans la chanson Plastic Palace People écrite par Scott. Mais Duchess est certainement ma préférée de toutes, et je la reprends d’ailleurs quand je fais des concerts en solo. Je suis sûr que les paroles parlent d’Amsterdam et que le titre est un jeu de mot, Duchess/ Dutch-ies : « With your bicycle bells, and you Rembrant swells »
Brighton, 1985. Robert Sekula and Kevin Canham, united by a common love for the Byrds, Jesus and Mary Chain, Nick Drake and the Velvet Underground, decide to form 14 Iced Bears. From this happy collaboration will be born a series of excellent 45 rpm and flexis as well as two albums – 14 Iced Bears and Wonder -, which will contribute to the construction of the legend of pop labeled C86. The single Come Get Me, released in 1988 by Sarah Records, which also includes the fabulous Unhappy Days and the sublime Sure to See – one of the rare titles of the time capable of rising to the height of a marvel like Emma’s House of Field Mice -, stands today as emblematic of the golden age of English indie pop of the 1980s. With their second album released in 1991, the group, influenced by 13th Floor Elevators and The West Coast Pop Art Experimental Band, will sail towards much more psychedelic horizons, but with as much inspiration.
Fans can’t thank Mike Schulman of Slumberland Records enough for releasing the indispensable 2001 compilation In the Beginning, featuring the Bears’ greatest hits in their best versions. We can also take our hat off to Cherry Red Records for the release of Hold On in 2007, a complete reissue of the catalog of these indie pop icons.
In 2010, 20 years after their separation, the 14 Iced Bears reformed, toured the USA twice and were able to delight their fans during a memorable concert at the Indietracks festival in 2012. But on the composition side, there was no nothing to report. It was only in December 2019, after… thirty years of silence, that Robert Sekula published his first single, a very appreciable Christmas song, which had raised hopes of his return to business. But we had to wait until last June to finally discover a new single called Pamela. And what a nice surprise! Listening to the angelic voice of Sekula, still so young and melodious, one begins to believe that the former Brightonian has found an elixir of youth or that he has a portrait of Dorian Gray in his attic. This composition is inhabited by the sacred fire of the first moments of 14 Iced Bears, as if time had suspended its flight. The guitars, drums, production and arrangements are all in delicacy and lightness; the vocal parts, celestial and graceful, are worthy of the best singles of the Sarah Records years. Well, it must be said that this song already existed a very long time ago, but it had never been recorded until now. Be that as it may, Sekula’s melodic genius is intact, and we are delighted to find this unique voice, capable of moving so easily from treble to bass with sensitivity and nuance, without ever falling into the slightest mannerism.The music, which immerses the listener in an atmosphere of dreamy drunkenness, fits in the happiest of ways with the text, which evokes the hope of the return of a distant love that we still believe possible. We then also take to flying in spirit listening to the stanza “Pamela, you make me fly“, particularly touching. We really did not expect such an inspired return. We will therefore have to closely follow the next achievements of Sekula, who confessed to me that he has tons of songs in stock, ready to be recorded. In the meantime, the ex-14 Iced Bears has lent himself to the Selectorama game and looks back on a few titles that matter to him and have helped form his sensitivity. « I chose these ten titles and these groups because they are still as essential to me today as in the past! And I tried, as a bonus, to classify the songs in the order in which I listened to them for the first time ».
01. Teardrop Explodes, When I Dream
I first heard this around the time I was listening to a lot of post-punk stuff that was going psychedelic, such as The Jam with Sound Affects. A whole world of that stuff was opening up to my teenage mind. Then this seemed to encapsulate it all, atmospheric sounds, a hypnotic groove and a beautiful melody.
02. Pink Floyd, See Emily Play
I first bought an early Floyd album called Masters of Rock with a horrible Union Jack sleeve! But it had on it the early singles tracks like this and Candy and a Currant Bun. I think this was the best single of the 1960s, which is a mighty claim, I know. Syd is still in my top two guitarists of all time, the second I’ll mention later.
03. Echo and the Bunnymen, The Cutter
And this is the best single of the 1980s! It’s totally unique as a pop song, a lot of their stuff around Heaven up Here time was incredibly original. Their whole sound was carried along by my favourite drummer Pete de Freitas, who created his own form of mind-blowing dance music.
04. Big Star, September Gurls
The first time I heard the glorious ‘December Boy’s got it bad’, I was hooked. I’m a December boy and it was my song. The Iced Bears got to support Alex Chilton around ‘91. After we came off stage he told me he really liked our set, from then on I didn’t care what anyone else thought of us! It didn’t matter. I actually sang my new single Pamela to Alex on the balcony of the Columbia Hotel in London on his final tour as I knew some friends of his. He told me he couldn’t believe I’d written it as he seemed very impressed. Thanks again, Alex!!
05. 13th Floor Elevators, Postures
We dedicated our first compilation Precision around 1988 to Tommy Hall, their lyricist. His words were like an enlightenment manual for me at the time. This song is like the honing down of his message. »Keep climbin’ and bathe in the sun that dawns in the darkness when the journey’s begun ». Easter Everywhere is still one of my favourite albums.
06. Bachelor Pad, The Albums of Jack
This choice is dedicated to Tommy Cherry, who sadly left us recently. His band were a psychedelic spark during the indie mid-80s, Syd Barrett from a Glasgow council estate. Check out this, Albert Hofmann and Do it for Fun especially.
07. West Coast Pop Art Experimental Band, Outside/Inside
This is my favourite band of the 60s. It still amazes me that hardly anyone has heard of them. They’re like a US version of Syd’s Floyd, mixing fantastic experimentation with wonderful melodies. Befitting such unique music, their story is shrouded in controversy and mystery. Even so, their teen genius, Michael Lloyd, prefers to talk of his work as eventual Barry Manilow producer! They also featured Ron Morgan, probably my all-time favourite guitarist. I named my studio after this song but inside out as Inside Outside Studios, get it?
08. Gram Parsons, Brass Buttons
It didn’t take me too long after hearing his voice to decide that Gram is my favourite singer. It just clicks inside me, and this is one of his songs I love the most. I managed to stay a night at the Joshua Tree Inn and spent the evening on my own at the little hotel pool dedicated to him. I was hoping for a rock’n’roll ghost but there was no return of the grievous angel!
09. Ween, Don’t Laugh I Love You
The main thing that happened to me during the Covid pandemic was that I’ve come to the belief that Ween are the best band ever! Don’t just listen to one or two of their songs, it won’t give you an idea of what they’re about. Their music goes in all directions, from extreme bubblegum pop in the chosen example, to brutal hardcore punk, to glam rock, prog rock, handbag house, 70s soul, psyche, reggae, Chris de Burgh-cheese, and hard rock. They don’t have a genre but are more a method. Two pretend brothers who since their debut as teens with the earth-shattering GodWeenSatan have mangled all forms of music and spat it out in their own, often subtly hilarious, way.
10. Scott Walker, Duchess
I feel sorry for anyone who hasn’t spent a cold evening wrapped in bed, listening to Scott’s solo albums from around the late 60s. His rich voice and imagery, and the lush music around it, lifts you away like Billy in Scott’s song Plastic Palace People. But Duchess is probably my favourite of all, and I cover it when I play live solo. I’m sure it’s really about Amsterdam and the title is a play on the word Dutch-ies: ‘With your bicycle bells, and your Rembrandt swells’.