Par deux fois le jeune homme prénommé Marius nous a cueillis en concert. Au plaisir de la découverte d’un musicien doué, cultivé et inventif s’ajoutait celui, non moins immédiat, d’une émotion jouée avec une justesse communicative. Ces deux soirs, Marius Atherton (également connu chez Stratocastors, Golden Q, Nick Wheeldon…) faisait sonner Thee Oh Sees comme du Purcell, et Purcell comme du Suicide quand ses propres compositions évoquaient Julien Gasc, The Space Lady et la musique baroque. A l’image de sa magnifique chanson Mes Amis (aucun lien avec Bove), tout le travail de Marius tient dans une tension parfaitement maîtrisée entre la richesse (mélodique et émotionnelle) et le minimalisme (économie de moyens et ligne claire). A l’occasion de la sortie du très beau single Sémaphore et en pleine gestation d’un nouvel album, nous avons demandé à Marius Atherton d’esquisser son portrait en dix titres écrits par d’autres.
01. Space Lady, Major Tom
J’ai découvert récemment qu’il s’agissait d’une reprise. L’originale (de Peter Schilling) est nettement moins bonne, même si la mélodie est fantastique. Le dispositif et le côté bricolé sont semblables à ce que je fais sur scène. Il y a une forme de sincérité, même jusque dans les maladresses de sa voix, que je trouve très émouvante. Cette voix très peu travaillée me fait d’ailleurs penser à celle d’Anne Sylvestre.
02. Linda Perhacs, Hey, Who Really Cares?
Mon prochain album, sur lequel je travaille en ce moment, aura pour thème majeur l’empathie. Je crois que ça correspond à un besoin de me remettre en question. Y a-t-il une plus belle chanson pour illustrer ce besoin d’empathie ? Encore une fois, la structure du morceau est très simple mais les paroles et la mélodie sont tellement émouvantes. C’est un véritable appel !
03. Bach, Messe en Si Kyrie Eleison I (Philippe Herreweghe)
Le thème de clarinette est sublime. J’ai essayé d’apprendre cette composition en me disant : « Je vais essayer faire ça tout seul chez moi ». Je me suis amusé à tenter de retranscrire cette composition de Bach à cinq voix dans une version minimaliste à une seule voix. Ma tessiture semblait me le permettre et ça ne me dérange pas de passer des heures à éplucher des partitions. J’aime l’idée d’adapter des choses aussi riches dans un format minimaliste, un peu à la façon de Space Lady. J’ai réussi avec Purcell mais l’exercice était plus simple : le morceau a seulement deux voix. Avec Bach, j’ai soit manqué de talent, soit de persévérance, mais ce fut un échec !
04. Anne Laplantine, Elucidé 2
Je connaissais Anne Laplantine par ses vidéos comme J’ai Acheté Un Saucisson et j’ai découvert qu’elle maitrisait aussi l’écriture classique. C’est amusant cette façon qu’a Anne Laplantine d’écrire des fugues. Ce sont des fugues minimalistes mais des fugues tout de même ! Sa folie et sa vulgarisation de la fugue m’ont beaucoup inspiré pour l’écriture du nouvel album.
05. Thee Oh Sees, If I Had A Reason
J’ai la chance d’avoir la double nationalité franco-américaine et d’avoir vécu à San Francisco, au moment où John Dwyer a mis fin à Coachwhips pour se consacrer entièrement à Thee Oh Sees. Cette chanson est tirée de l’album Thee Hounds Of Foggy Notion lequel était accompagné d’un DVD où on pouvait voir John Dwyer et ses amis jouer en live dans des lieux de San Francisco que j’ai fréquentés que j’adore. J’aime beaucoup cette chanson que je reprends régulièrement au clavier et à la voix en concert. Elle devrait figurer sur mon nouvel album… si John Dwyer est d’accord.
06. Ensemble Amedyez, Ay Alxir Inu
Ma copine vient de me faire découvrir cette chanson et depuis je l’écoute à longueur de journée. Il y a plusieurs versions de cette chanson. Celle-ci est est très différente de la version d’Idir dont la production est, avouons-le, un peu kitsch avec ses synthés 80s. Ici, c’est presque l’inverse, c’est ensemble de musique classique kabyle. Il y a une dynamique majeure qui survient au beau milieu de la chanson. C’est très surprenant, je crois que je n’ai jamais rien écouté de tel.
07. James Blake, Retrograde
Encore une fois, le dispositif est très minimaliste et tout tourne d’un simple kick et d’un placement de voix. Je crois que ce morceau est très utilisé dans la danse et je comprends pourquoi : on sent que le son est très travaillé mais il y a aussi une forme d’épure.
08. Sam Gendel, Hishi-igeta
Sam Gendel est un saxophoniste jazz/lo-fi/actuel de Los Angeles. C’est aussi lui qui joue de la guitare sur ce morceau. Ce titre est tiré d’un disque d’ambient minimale et très bricolée. Il joue aussi avec un groupe de jazz virtuose appelé Knower. Geneviève Artadi, la chanteuse de Knower reprend d’ailleurs la chanson de Linda Perhacs que j’ai citée tout à l’heure. Autant, Knower est horrible et condense tout ce qu’il ne faut pas faire – j’en parle d’autant plus volontiers que j’ai moi-même une formation de guitariste de jazz -, ce disque solo est une vraie réussite. J’adore l’écouter dans mes pérégrinations nocturnes.
09. Leoni Leoni, If There Is Magic It Is Made in Your Womb
Leoni Leoni a aussi une vraie formation de jazz. Ça m’a fait du bien de rencontrer une musicienne qui se détache de certains poncifs qui gravitent autour de cette musique. Elle a un rapport à sa musique qui est d’une sincérité totalement détachée. Elle n’a pas peur de se laisser ressentir sur scène. Je l’ai vue passer par plein d’émotions – dont la colère – sans essayer de lutter contre elle-même. Elle me donne énormément de courage et c’est une super musicienne !
10. Sophie, Vyzee
Alors là, c’est l’inverse de tout ce qui a précédé. Sophie, ou la surproduction dans toute sa splendeur. Même si ce tout ce que je vais éviter de faire dans mon prochain album, je trouve ça tellement drôle et inventif !