Dans ce Selectorama, Dan Kjær Nielsen nous déclare son amour pour le groupe Total Control. Admirant notamment sa capacité à se renouveler, il aurait très bien pu comparer l’ambition de son groupe, Iceage, à celle des Australiens. Mettons au défi un néophyte d’enchaîner New brigade sorti en 2011 et Seek Shelter, leur nouvel album produit par Sonic Boom, et d’y trouver un point commun. Les morceaux joués le pied au plancher ont laissé place à des hymnes indie accompagnés de cuivres et d’une chorale gospel. La nostalgie contagieuse de Shelter Song, titre d’ouverture, nous replonge de la façon la plus jouissive et efficace dans les 90’s, comme si Pavement avait monté un super groupe avec les Longpigs et Spiritualized. Si New Brigade ne surfe pas sur cette vague sur la longueur de l’album, il est difficile d’imaginer que la formule ait pu fonctionner à ce point sans l’intervention de Sonic Boom. Ses trouvailles sonores apportent du relief et le zest de bizarrerie qui rendent l’album cohérent et intéressant. Ce groupe de caméléons aime surprendre. Ce sera le cas avec ce Selectorama. Rarement les morceaux choisis par Dan Kjær Nielsen ont eu aussi peu en commun avec la sortie d’un nouvel album. La pop fait peut-être déjà partie du passé pour les Danois.
01. LSD, Karen Nash
Ce titre m’obsède depuis des années. J’adore le contraste entre l’intro superbement dramatique, le beat japonais chaotique et le segment où l’on peut chanter à tue-tête comme un hymne. Tout est si dingue et pourtant on y prend du plaisir. Je ne connais rien sur ce groupe. Sur mon disque, plusieurs chansons s’appellent LSD et elles sont toutes géniales.
02. The Har-You Percussion Group, Har-You Theme
Har-You est un diminutif d’Harlem Youth. C’était une association encourageant les jeunes afro-américains à découvrir et partager leur héritage musical. Sur cet album, onze adolescents sont sous la direction du musicien Montego Joe. Ce titre démontre à quel point les batteries et percussions peuvent cohabiter en laissant de l’espace pour respirer malgré les différentes nappes sonores. La force de ce morceau m’inspire à chaque écoute. J’y relève des sons, des rythmes et des structures épatantes.
03. This Heat, Horizontal Hold
C’est pour moi un titre formateur qui décrit la façon dont la musique devrait sonner et ce qu’elle devrait signifier. J’aimerais être capable de jouer comme eux. La nature imprévisible d’Horizontal Hold et la faune sonique d’un autre monde infligée à l’auditeur fait vivre une expérience quasi préhistorique, énigmatique et vitale. Une fois enchevêtré dans ses tiges épineuses et ses racines glissantes, on vit littéralement le morceau. Jusqu’à ce qu’il évolue dans une autre direction.
04. Baby Huey, A Change Is Going To Come
Dès les premières secondes il est évident qu’il se passe quelque chose de spécial, fantastique et porteur d’espoir. Ça me rend triste de penser que le majestueux Baby Huey n’a pas vécu jusqu’à la sortie du disque. Il y a incorporé un peu de son histoire. On y entend des cris sauvages, des grooves insistants, des hurlements qui viennent du cœur. L’écouter équivaut à partir en voyage. Un voyage qui me retourne le cerveau.
05. Shigeru Umebayashi, Yumeji’s Theme
C’est un extrait de la bande originale d’In The Mood For Love de Wong Kar-Wai. Les cordes sont ultra romantiques et d’une beauté incroyable. La force de ce thème réside dans sa qualité mélodramatique. Yumeji’s Theme me fait méditer sur l’amour et la vie, il me transporte, me fait danser une valse imaginaire. Les gouttes de pluie et les lumières rouges si présentes dans le film me reviennent immédiatement à l’esprit. J’adore ça.
06. Crass, Do they owe us a living?
Crass est un groupe à part. Non seulement ils véhiculent leurs messages idéalistes de la manière la plus frontale, sérieuse et inexcusable qui soit, mais ils les font sonner fantastiquement. Ça vous pénètre, vous attaque et ça déferle dans votre cerveau avec des rythmes de fanfare épatants. Ils sont en colère et ont raison de l’être. Je les compare à une bombe d’énergie et d’ardeur. Et ça, c’est presque vital pour moi.
07. Total Control, Black Spring
Je ne ferais jamais assez de louanges à Total Control. Ils sont pour moi le meilleur groupe de rock contemporain. Ils continuent à évoluer et à repousser les barrières. Chaque métamorphose est encore plus charmante, effrayante, sincère et exécutée avec le cœur que la précédente. Comment font-ils pour autant innover ? Je leur accorde un énorme respect.
08. Prince Far I, Plant Up
Il est passé de DJ à videur à musicien. King Cry Cry aka Prince Far I a créé le dub le plus puissant, écrasant et intéressant qui existe. Après quatre minutes de chant crépusculaire et lancinant, le morceau lance ses tentacules vers le ciel et décharge tous ses pistolets et ses bombes en une seule fois pour mettre fin à l’univers.
09. Pharoah Sanders, You’ve Got to Have Freedom
Ce morceau me met d’humeur pour aller marcher, conduire une voiture, faire l’amour, manger une glace, m’allonger sous la pluie, boire du vin. Pharoah Sanders est le premier artiste étiqueté jazz qui m’a touché profondément. Il passe frénétiquement de cacophonies perçantes à des prouesses qui vous tiennent en haleine de la façon la plus douce et ravissante qui soit. Comme s’il essayait de capturer l’émotion pure.
10. The Stooges, Down on the Street
Il n’y a pas grand-chose à dire. Il est impossible de résumer ce titre en quelques mots. C’est le sang et la lave qui permettent au monde et à ceux qui y résident de rester en vie.