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En juin dernier, à l’occasion de la sortie d’Intraterrestre, le second EP de Côme Ranjard, nous nous étendions déjà sur le talent du chansonnier parisien ; l’efficacité pop de ses refrains, la douceur-amère de ses textes, le souci du détail dont recèlent ses arrangements. En milieu de mois, il publiait Pop-Corn, son deuxième album ; pop oui, corny (banal) loin de là. Derrière sa voix grave si caractéristique résonnent des chœurs, mais aussi des sonorités révélatrices de sa curiosité musicale : l’exotisme du lap steel, la chaleur de la flûte, de la clarinette, ou du clavier seventies… Avant de célébrer la sortie de l’album au Hasard Ludique le 12 février prochain, Côme a choisi pour nous dix titres qui l’ont, selon ses mots, « chamboulé à un moment ou à un autre de [sa] vie ». « On part de Hawaï pour aller en France, aux États-Unis, en passant aussi par la Grèce, le Japon et enfin le Brésil. Ce ne sont pas particulièrement des influences spécifiques mais plutôt une sélection de morceaux que je trouve profondément beaux. » ; on le suit !
01. Danny Keleikini, Hula Eyes
Kaleikini fait partie des artistes qui ont grandement participé au développement de la musique hawaïenne dans les années 60, au point d’être souvent appelé « Hawaii’s ambassador of Aloha » et d’aller jouer ses morceaux au Japon dans les années 80. Il y a un côté très à l’ancienne, style crooner de ballades, sur une musique qui, pour moi, sonne toujours aussi cool et belle aujourd’hui. Quelle tendresse dans ce morceau, les harmonies, les arrangements, tout est sublime, c’est vraiment ma came.
02. Pierre Barouh, Le Tennis
Franchement, il n’y a que Pierre Barouh pour faire une chanson sur le tennis tout en dépassant totalement son sujet, en lui insufflant tant de profondeur mais en restant totalement premier degré sur les enjeux humains qui entourent le sport de haut niveau et la gloire de manière générale. J’aime tellement cet homme, qui m’inspire autant artistiquement qu’humainement. Quand j’étais gamin, je rêvais de devenir tennisman et de jouer à Roland Garros. Finalement la musique a gagné trop de terrain sur moi mais cette chanson me rappelle ce que j’ai appris en tapant toutes ces balles avec tant de conviction. « Toi ton combat c’est le tennis. On peut trouver ça dérisoire, pourtant, dans nos livres d’histoire, partout la dérision se glisse ». Magnifique !
03. Blaze Foley, Clay Pigeons
Clay Pigeons est l’une des plus belles folk songs que j’ai entendues dans ma vie. Elle est sortie en 1989. Tout y est fantastique, son phrasé, sa mélodie, le texte. C’est émouvant aux larmes, j’en pleure à chaque fois que je l’écoute seul.
04. Shira Small, My Life’s Alright
Shira Small a enregistré cette merveille d’album avec son prof de musique du lycée (Lars Clutterham), dans le pensionnat, au milieu des années 70. Un mélange de doux psychédélisme, de vocal jazz, de sunshine soul, c’est difficile à décrire. Tous les textes sont frappants de vérité et la voix de Shira est bouleversante de franchise. « Through my pain and tears, I am not fighting time, live to laugh, live to cry, wonder why. » Ok, tout est dit !
05. Eiichi Ohtaki, Boku wa tenshi ja naiyo
Membre actif du groupe Happy End avec Haruomi Hosono dans les années 60/70, Ohtaki a ensuite eu une carrière solo complètement impressionnante. Ce morceau de 1977 me bouscule depuis dix ans. Je crois que c’est la manière dont la chanson commence qui me rend accro à elle. La batterie est seule, puis une guitare hyper groove avec une basse encore plus groovy entrent en jeu. On s’attend à tout sauf à ce qui arrive ensuite : un déferlement d’émotion brute, un cri sublime à la fois triste et intensément tourné vers la lumière. La musique groove « cool » sur ce chant profond crée un contraste que je n’ai entendu nulle part ailleurs. Marchez dans la rue en écoutant ça, si vous ne pleurez pas en vous sentant drôlement vivant.es, c’est que vous êtes déjà morts (ou complètement insensible à cette musique et c’est ok aussi).
06. Mariangela Celeste & Vangelis, My Dear Life
Cette musique vient de Grèce. Pour moi il y a tout dans ce morceau de 1975 : la boîte à rythmes à l’ancienne, les magnifiques sons de synthés de Vangelis, la mélodie de Mariangela. Le morceau est arrangé et produit par Vangelis, que mon père m’a fait découvrir quand j’étais un enfant de 8 ans. Vangelis a surement grandement participé à me donner le goût pour les synthétiseurs et la musique contemplative, douce, cinématographique. Magnifique morceau.
07. The Sweet Enough, Dream Puppy
Chef d’œuvre de musique instrumentale, cet album de 2020 a tout d’un disque de chevet. Comme un bouquin qu’on ouvre tous les ans parce qu’il nous fait du bien. Proche de l’ambiance exotica que j’aime tant, ce morceau en particulier prend aux tripes tant par sa percussion lente que par sa mélodie haut perchée qui se dévoile de plus en plus à mesure que les secondes passent.
08. Chet Baker, Something (Beatles cover)
J’ai pas l’impression que beaucoup de gens soient au courant que Chet Baker a repris Something des Beatles (plus précisément de George Harrison) donc voilà, je pose ça là, car quelque chose me dit que ça peut faire plaisir. Evidemment, comme toujours, son chant est bouleversant de simplicité, habité de ce truc indescriptible dont lui seul a la clé.
09. Mac Demarco, The Truth
Tout comme ses milliers de fans, j’ai l’impression d’avoir grandi avec Mac depuis 2014. Même s’il y a plein de périodes ou j’arrête de l’écouter, il revient toujours à un moment donné dans mon quotidien. Quand il a sorti cet album de 199 morceaux j’étais complètement choqué, heureux, je l’ai pris comme un cadeau. Parmi ces 199 morceaux il y a environ 20 chansons et pour moi c’est peut-être son meilleur album. Il arrive même que je ne puisse pas l’écouter tant c’est chargé en émotion, et probablement relié à une période de ma vie un peu douloureuse. On y retrouve encore ce nouveau Mac, adulte, doux et tendre, avec des mélodies qui résonnent et qui rassurent. Essentiel, profondément vrai et juste. Encore une fois merci Mac.
10. Raul Seixas, Ouro de Tolo
Attention, encore un morceau bouleversant. Un homme qui a tout réussi remet en question ce que ça veut dire de « réussir sa vie », il s’accable de sentir qu’il ne trouve pas la satisfaction là ou il pensait la trouver, après le succès, l’argent, la famille. Quel est son rôle dans la société en tant qu’artiste et quel est son rôle en tant qu’humain dans le monde ? Heureusement, c’est du Portugais donc le texte est plus facilement supportable pour moi, mais bon sang que c’est beau et chargé. Musicalement, son phrasé est vraiment incroyable.