Fail & Foil, second album du trio de Nanterre Chiens de Faïence sorti il y a quelques semaines à peine via trois labels (Howlin’Banana Records, Hellzapoppin Records et Safe In the Rain Records) vous avait été proposé en écoute en avant-première ici. Pour prolonger le plaisir de leur pop DIY et lo-fi, nous leur avons demandé quelques références dans cet univers bien moins tendre qu’il n’y paraît. Boris, Harmonie et Malo sont allés chercher dans leurs bacs à disques / disques durs respectifs quelques pierres fondatrices, dont Jean-Luc Le Ténia, Electrelane ou Yo La Tengo, et un petit tour du côté de la Nouvelle-Zélande avec The Great Unwashed chez Flying Nun Records.
01. Jaromil Sabor, Oh ! Still Time
Loïk alias Jaromil Sabor est un ami et quelqu’un de très important dans l’histoire de Chiens de Faïence. Quand il a découvert nos premières démos, il faisait déjà de la musique depuis plusieurs années et il nous a poussé·e·s, encouragé·e·s et surtout il nous a proposé d’enregistrer notre premier album. Il s’est donc beaucoup investi sur No Reason et a fait preuve de de patience. Ce morceau est extrait de sa première sortie solo, Marmelade Sculpture qui date de 2012. On y trouve déjà ce qui fait sa personnalité musicale, avec ce goût pour les jolis arrangements, une certaine douceur et un vrai savoir-faire en matière de pop.
02. Younolovebunny, Whip it
On suit ce que fait le danois Claus Frøhlich depuis plusieurs années, sous le pseudonyme de Younolovebunny. Lorsqu’on l’a vu à l’Espace B en 2013, on commençait tout juste à penser à faire un groupe. D’une certaine manière son concert nous a conforté·e·s dans l’idée qu’on pouvait, voire qu’on devait, faire de la musique. On s’est beaucoup reconnu en lui, non seulement dans sa musique mais aussi dans sa façon d’être. Son set était super, il dégageait quelque chose de fragile et de très intense à la fois. Ce morceau est magnifique.
03. Cate Le Bon, Wonderful
Cate Le Bon est une musicienne fascinante et son langage nous a toujours semblé à part. Crab Day, ainsi que sa collaboration avec Tim Presley dans Drinks, nous ont pas mal accompagné·e·s pendant l’enregistrement du disque. On ne sait pas s’il y a vraiment une influence tangible (sauf peut-être sur notre morceau Pimples Nation où on y pensait beaucoup) mais c’est surtout l’aura qui se dégage de ses productions que l’on retient. Elle donne envie de créer et d’explorer.
04. The Necessary Separations, Suicide
C’est un super groupe dans lequel on retrouve Nick Wheeldon, un musicien très impliqué dans la scène underground francilienne. Cette album est tellement classe, comme tous les projets de Nick d’une manière générale. Non seulement c’est une personne qu’on aime beaucoup, mais sa musique nous touche particulièrement. Le voir en concert est toujours fort émotionnellement. Et même si musicalement on fait des choses très différentes, on peut dire qu’on se comprend. C’est le cas avec pas mal d’autres groupes franciliens d’ailleurs. Il y a beaucoup d’artistes qu’on apprécie autour de nous et qui évoluent dans les mêmes salles ou sur les mêmes labels : les Bootchy Temple, Special Friend, Eggs, Belmont Witch, Carton Sonore et plein d’autres.
05. Jean-Luc Le Ténia, Seul de nouveau
La majorité de nos morceaux sont en anglais, mais depuis le début, on a toujours écrit quelques titres en français et c’est quelque chose qu’on fait de plus en plus. L’anglais est assez évident par rapport à notre culture musicale, mais en même temps on écoute beaucoup de choses en français aussi. Et puis on n’est pas réellement bilingue, nos chansons en anglais sont sans doute truffées de fautes par exemple, mais on a décidé de s’en foutre, ça reflète simplement ce qu’on est. Par contre écrire en anglais peut créer une certaine distance alors qu’avec le français on est tout de suite plongé·e·s dans ce qu’on raconte (ce qui peut être perturbant aussi) et on est peut-être plus confiant·e·s en termes de tournures de phrases etc. Jean-Luc le Ténia est un exemple en matière d’écriture en français et sa démarche totalement lo-fi nous parle beaucoup. La simplicité de ce morceau est bouleversante. Récemment, Harmonie lui a consacré une petite page hommage : https://bonjourjeanluc.tumblr.com/
06. The Great Unwashed, Toadstool Blues
De toute la scène Flying Nun, c’est peut-être l’album Clean Out Of Our Minds des Great Unwashed qui nous parle le plus. De la bedroom pop ultime, on a l’impression d’être avec eux. C’est brut, hanté, bancal, parfois c’est triste, parfois c’est joyeux, c’est bourré de contre-pieds mais aussi de petits arrangements magiques. Ce n’est pas un disque forcément facile à apprivoiser mais il est d’une honnêteté confondante.
07. Electrelane, To the East
Malo : Quand j’ai commencé à jouer avec Chiens de Faïence, je n’avais jamais touché une batterie de ma vie. J’avais pris des cours de guitare en primaire et tenté plein d’instruments bizarres, car mon oncle est musicien et a toujours mis sa caverne d’Ali Baba à notre disposition. J’ai commencé à pratiquer sur un jouet pour enfants de quatre ans acheté sur Leboncoin et j’ai progressé en autodidacte, en regardant des vidéos. Je me répétais comme un mantra que Meg White n’avait pris que trois mois de cours de batterie ! J’ai clairement pas un style de pro, et parfois certains batteurs ou musiciens (et je n’utilise pas l’écriture inclusive ici à dessin…) me l’ont fait sentir. Ça aurait pu me blesser si je n’avais pas pour modèles des batteuses qui n’ont pas eu besoin d’en faire des caisses pour entrer dans la légende : Christina Kee (Tomorrows Tulips), Hannah Blilie (Gossip) et Moe Tucker pour laquelle mon admiration est si grande qu’elle est sans doute la raison pour laquelle on évoque régulièrement le Velvet Underground. Enfin, Electrelane est pour moi un groupe mythique dont on parle trop peu : que des meufs, super brillantes et qui ont su construire ensemble un édifice musical élégant, brut, envoûtant, dont la batterie d’Emma Gaze est la solide charpente.
08. Animal Collective, Purple Bottle
Boris : Animal Collective fait partie des premiers trucs qui m’ont marqué quand j’ai découvert la musique indé après le lycée. Je suis retombé dedans depuis un an et je crois que ma fascination pour leur musique est encore plus intense qu’à l’époque. Je n’arrive pas à décrocher des albums Sung Tongs et Feels dont la beauté et l’étrangeté ne se démêlent jamais. C’est ultra punk et en même d’une candeur rare. Purple Bottle est un morceau qui me bouleverse en toute circonstance, une épopée intime qui remue beaucoup de choses en moi.
09. Emily Edrosa, Wade Thru
Harmonie : Je cherchais à partager un titre récent et j’ai tout de suite pensé à Emily Edrosa. C’est rare aujourd’hui que je fasse une fixette sur un groupe ou un·e artiste de la scène actuelle, je veux dire en mode fan, comme quand on est ado. Sans doute qu’en vieillissant, on reste sur nos références de base et on ne s’emballe pas de la même manière sur les nouvelles choses qu’on découvre. C’est dommage d’ailleurs, c’est certainement une bonne disposition d’esprit pour écouter la musique d’un·e artiste qu’on apprécie, d’être ouvert et prêt à absolument tout aimer parce que c’est cette personne qui a fait le morceau, de ne pas être dans la méfiance critique. La néo-zélandaise Emily Edrosa est l’une de mes très rares fixettes récentes. Je l’ai découverte il y a quatre ans au moment où elle a sorti le génial Hauora sur Flying Nun, avec son groupe Street Chant, j’ai eu un coup de foudre. Et par rapport à sa musique, je suis donc un peu dans cet état où elle peut faire ce qu’elle veut, je sais que je vais aimer. Elle vient juste de faire son retour, ce titre est sur l’album à venir. Il n’y a rien de révolutionnaire dans ses morceaux, mais elle a quelque chose de spécial. C’est peut-être son chant, il a un côté presque agressif genre « Toi, écoute bien ce que j’ai à te raconter », tout en étant mélodieux.
10. Yo La Tengo, You Can Have It All
Yo La Tengo est groupe exemplaire en tout point. Leur carrière est la fois d’une droiture et d’une audace peu commune. Ils sont si précieux. Et au-delà de leur musique, c’est la fusion qu’il semble y avoir entre ces trois musicien·ne·s qui nous touche. C’est pareil chez les Breeders par exemple. Ils nous rappellent que quand on « fait de la musique » l’important c’est les personnes avec qui on la fait.