Selectorama : Bruno Juffin

Photo : FB Le Boulon
Photo : FB Le Boulon

Les Clermontois connaissent bien Bruno Juffin, fine plume des Inrockuptibles dont ils ont maintes fois pu apercevoir la silhouette filiforme de dandy à la mèche toujours impeccable dès qu’un concert intéressant avait lieu en ville. Certains musiciens de ma connaissance l’ont même eu comme prof d’anglais au lycée : « Il me prêtait des disques de Moe Tucker et il nous a fait découvrir des films comme La Nuit du Chasseur ou Freaks… ». Il y a pire comme formation. Un autre me disait qu’il avait été sidéré il y a trente ans, lorsqu’il passait le bac, de voir ce doppelgänger de John Cale surveiller l’épreuve d’anglais tout en lisant un numéro des Inrocks (grand format) avec David Bowie en couverture. Quand je repense à mes profs d’anglais à moi, si compétents et sympathiques qu’il furent, j’ai du mal à les imaginer en train de poser sur des photos avec Lux Interior et Poison Ivy des Cramps ou aux côtés de David Johansen des New York Dolls !

Juffin et sa publication sur les Stones / Photo : DR
Juffin et sa publication sur les Stones / Photo : DR

Oui, parce que Bruno Juffin a aussi commis quelques livres du meilleur cru, sur les Rolling Stones ou les New York Dolls notamment, et a participé au catalogue de l’exposition The Velvet Underground : New York Extravaganza qui a eu lieu en 2016 à la Cité de la Musique. Ce grand prêcheur de la bonne parole rock and roll vient d’écrire un nouveau livre délectable : Lou Reed – Walk On the Wild Side publié aux éditions du Boulon, voyage truculent dans les coulisses de l’univers du Maître new-yorkais, présenté sous forme de dictionnaire, à travers lequel Bruno Juffin en apprend même aux plus pointus des fans de Lou. Dans ces circonstances, le critique rock clermontois nous propose aujourd’hui, selon ses propres mots « dix chansons rock et new-yorkaises, des prémisses du Velvet à l’effondrement des tours jumelles » [avec pour] «  figure tutélaire du genre : un dénommé Lou Reed. »

01. Lou Reed, The Buttercup Song

Manuel de survie en milieu urbain, version Lou 1965 – jamais, au grand jamais, ne s’attacher à un mec, une fille, une bêbête ou un bambin. Patatras : sous le charme d’une fleur des rues, le misanthrope à tout crin lui écrit des poèmes ; aux chœurs – et aux éclats de rire, francs et bruyants -, John Cale.

02. Patti Smith, Piss Factory

De quoi une provinciale dingue de Rimbaud rêve-t-elle au fond de son usine ? De filer voir ce qui se passe entre Hudson et East River, et d’y laisser sa marque, « I’m gonna be somebody, I’m gonna get on that train and go to New York City. » Sorti sur un label créé pour l’occasion, Piss Factory lance la vogue des singles auto-produits.

03. Elliot Murphy, You Never Know What You’re in For

Un peu Dylan, un peu Lou Reed – et, le temps de cette chanson, pleinement lui-même – un évadé de Long Island explore les trottoirs de Times Square ; dans chaque coin de porte, un petit commerce, louche toujours, alléchant à l’occasion, « And there were junkies and pushers, pimps and hookers/You never know what you’re in for ». Dans sa version initiale, Walk on the Wild Side passait par ici.

04. Wayne County and the Backstreet Boys, Max’s Kansas City

Où le – et, bientôt, la – DJ d’un club assez connu en offre une visite guidée. Hôtes de la backroom, Iggy Pop, Lou Reed et leurs dealers; au bar, Debbie Harry et Dee Dee Ramone ; à l’étage, sur scène et pour clore chaque couplet, les New York Dolls, « you got a personality crisis, baby… »

05. Mink DeVille, Cadillac Moon

De Max’s Kansas City au CBGB’s, dix minutes de trotte ; enregistrée, en 1976, dans le second de ces clubs, une splendeur de ballade justifie, à elle seule, l’achat d’une anthologie par ailleurs très moyenne. Les deux premiers albums de Mink DeVille sont, eux, hors-concours.

06. The Rolling Stones, Shattered

New York, période dèche et déglingue ; pour peindre sa ville d’adoption, un chanteur/parolier plutôt en verve – la grosse pomme, Mick J. est prêt à la croquer, hôtes indésirables compris, « Bite the Big Apple/Don’t mind the maggots ». Sur le même album, Miss You met le cap sur Central Park, et ça n’est pas mal non plus.

07. Sylvain Sylvain, 14th Street Beat

Pour chanter une artère cosmopolite au possible, un garçon qui n’a cessé de sauter les frontières – Le Caire, Paris, le Queens et Manhattan, partout, Sylvain Sylvain est chez lui ; au sortir des New York Dolls, il pond, qui l’eut cru, des couplets carrément rock’n’roll : « Hey man, where did you get that car/I bought that car with this guitar ». En prime, des bruits de métro évocateurs en diable.

08. Richard Hell & the Voidoids, Downtown at Dawn

Richard Hell sur le Bowery, nuit blanche assurée ; pour épauler le poète (et romancier) du punk, un guitariste de génie, par ailleurs fan absolu du Velvet – au cours de sa trop brève carrière, Robert Quine jouera, ensuite, avec Lou Reed et Lloyd Cole ; dans un cas comme dans l’autre, de précieux albums en résulteront.

09. Buster Poindexter, Downtown Dream

Deux ex-New York Dolls sinon rien : après, dix ans durant, avoir chanté sous le nom de Buster Poindexter des standards du jazz, David Johansen conserve le pseudo mais se remet à composer. Source d’inspiration ? New York et ses métamorphoses ; entre autres temps forts, ce rêve de chanson.

10. The Moldy Peaches, NYC’s Like a Graveyard

Hâtivement affublé de l’étiquette anti-folk, du pur rock new yorkais, gamin, rigolard et 100% underground – « New York City’s like a graveyard/All the corpses like the way I play my guitar ». Mauvais gag : le premier – et unique – album des Moldy Peaches sort le 11 septembre 2001 ; théoriciens du complot, au boulot !


Lou Reed – Walk On the Wild Side par Bruno Juffin a été publié aux éditions du Boulon

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