Ric Ocasek en dix titres + 1 sélectionnés et commentés par l’auteur de l’article sur les Cars paru précédemment sur section26.
Time Bomb (Beatitude, 1982)
Quasi dix ans avant American Psycho, le morceau dresse un inventaire à la Prévert du cauchemar climatisé, de la terreur urbaine à base de flics, de meurtres et de jeux vidéo, de savon chimique et d’ordures, de télévision et d’hommes d’affaires, entre « cris nocturnes et arcs-en-ciel ». Tout va bien.
Dangerous Type (Candy-O, 1979)
Un pur riff à la T-Rex, et l’un des “ad lib” les plus renversants du rock, à égalité avec No. 13 baby des Pixies, bostoniens comme les Cars et revendiquant l’influence. Trois ans avant Neil Young, les Cars font pleurer le vocoder (à la toute fin). Et nous aussi.
One more time (Heartbeat City, 1984)
Il s’agit en fait de la demo de Why can’t I have you, mais on peut préférer le brouillon au produit fini : plus pur, plus idéal. Comme souvent chez les Cars, la raideur mondrianesque du trait écrase le lyrisme outrancier des larmes adolescentes. Biblique.
Shoo Be Doo (Candy-O, 1979)
Un pur titre à la Suicide. Ric Ocasek était fan d’Alan Vega, il produira le deuxième Suicide l’année suivante. Slapback, bleeps et cri primal. C’est court, mais c’est bon.
I refuse (Heartbeat City, 1984)
Il y a un tropisme Ramones chez les Cars, comme il y a un tropisme Suicide, pour une raison bête : tous ces groupes ont en commun les fifties, leur simplicité, leur idiotie – au sens où Clément Rosset avait défini ce mot, c’est-à-dire l’insignifiant au sens propre, le réel débarrassé du sens. Le rock repose sur l’idiotie du riff comme il repose sur l’idiotie de la négation pure (I don’t care, I refuse), répétée ad nauseam. Dont acte.
Maybe baby (Shake it up, 1981)
Toujours ce tropisme fifties, court-circuité par le doute, l’angst moderniste (« be my maybe baby ») : entre mon désir et la réalité, il y a la conscience du ridicule. On ne sait s’il faut rire ou s’émouvoir. Les Beatles ont été les premiers à formuler ça dans Ticket ro ride (« I think I’m gonna be sad »), Ocasek poursuit cette grande tradition du Jean qui pleure et Jean qui rit. En même temps.
Panorama (Panorama, 1980)
Ouverture terrassante de l’album du même nom, et par là même des glaciaires années 80 : on prend le freeway de nuit, avec des lunettes noires de préférence, et mal au bide. Julian Casablancas connaît ça par cœur.
You wear those eyes (Panorama, 1980)
Autre ad lib déchirant. Avec Drive, les Cars ont défini pour toujours l’idée du spleen urbain. You wear those eyes en est le versant nocturne, hypnagogique. L’asphalte est encore chaud, la femme incertaine. On jurerait Tom Verlaine à la guitare : Elliott Easton est gravement sous-estimé, tout de même.
Heartbeat City (Heartbeat City, 1984)
– Bonjour Madame, je voudrais un Fairlight et une LinnDrum.
– C’est pour emporter ?
– Non, c’est pour manger tout de suite.
Cruiser (Shake it up, 1981)
Après avoir maquetté le titre tout seul, Ocasek laisse le micro à Benjamin Orr. On se demande bien pourquoi, sinon pour le plaisir de le voir produire l’une des meilleures imitations de lui-même ? C’est parfaitement réussi.
This could be love (Shake it up, 1981)
Le sommet méconnu des Cars ? Encore l’amour, encore le doute. Ric Ocasek à l’écriture, Ben Orr au chant, dans ce numéro de crooner ironique où il excellait. Straightitude et lyrisme, as ever. On voudrait que ça ne finisse jamais. Mais c’est fini.