
Hier soir, il y avait foule devant Le Motel, à deux encablures de Bastille. Le cœur des indie heads était réuni passage Josset pour boire une dernière pinte avant fermeture définitive, avec quelques pincements ici et là à l’évocation des souvenirs. Une chorale d’habitués chantait Common People à tue-tête à l’intérieur, une foule compacte frissonnait sur le trottoir, et Tali et ses comparses transformaient les dernières gouttes de bière en petites larmes à l’œil. La dernière soirée de ce lieu symbolique où tant de musicien.nes sont passé.es et où tant de groupes se sont formés, avec 18 ans au compteur, tourne une page de l’histoire de la pop et de l’indie parisienne. La question sur toutes les lèvres était évidemment : pourquoi ? Djavid Rawat, l’un des responsables du Motel, nous disait informellement qu’ils avaient envie de clore le chapitre avant que l’histoire ne perde de sa force, et de partir la tête haute tout en ayant des idées pour la suite. On se doutait aussi de notre côté que le voisinage, comme dans tout lieu de plein centre, était problématique pour la survie d’un tel endroit, d’autant plus qu’à ce stade, les propriétaires finissent par s’en mêler. La concurrence féroce des terrasses en été et le manque de fréquentation en début de semaine étaient sûrement aussi un argument. La veille au soir, nous organisions un concert de poche avec un groupe récemment découvert, Diana Vaughan, dans un autre lieu : le Tony, petit bar concert à Strasbourg Saint-Denis. Eux aussi ferment dans quelques semaines, le propriétaire ayant décidé de ne pas renouveler le bail. Victor et Paul, les co-gestionnaires, sont par contre fermement décidés à migrer vers un autre lieu dès qu’ils auront trouvé chaussure à leur pied, et ont lancé un crowdfunding pour aller dans ce sens. Parallèlement et sans raisons communes, L’International, le bar et salle de concert d’Oberkampf vit également sans doute ses dernières heures. Tom Picton et Rémi Laffite, co-progammateurs du lieu, ont lancé l’alerte il y a quelques temps déjà, lors de la fermeture provisoire de la salle de concert, due à des travaux obligatoires en raison d’une malfaçon entre la cave et le rez-de-chaussée. Leur dossier auprès du Centre National de la Musique et de la Ville de Paris pour solliciter une aide dans le cadre du soutien aux salles de musiques actuelles est resté sans suite positive, et les travaux ne peuvent pas être pris en charge par le lieu, malgré une cagnotte mise en place.

Si ces trois fermetures parisiennes n’ont finalement que peu de raisons en commun, elles renforcent le sentiment de fragilité et de précarité d’une scène rock indépendante qui fonctionne sans aide officielle et à grand renfort d’énergies DIY. En observant un peu la concurrence qui se raréfie, bon nombre ne parviennent pas à professionnaliser une équipe de programmation, ni à rémunérer les artistes en cachets d’intermittence. Mentionnons par exemple la Mécanique Ondulatoire à Bastille, qui après de lourds travaux de mise aux normes d’issues de secours se retrouve face à une nécessité de se conformer aux normes d’isolation sonore, sans compter le départ de l’équipe de programmation du lieu qui peinait à être rémunérée. Plusieurs problématiques se dégagent de cette micro-sphère, mais le sentiment général d’une difficulté commune des lieux qui défendent cette pop moderne dont on vous rebat les oreilles depuis tant d’années est réellement préoccupante. Il ne reste au public, pour soutenir ceux qui travaillent à programmer toute la diversité d’une scène indé toujours aussi florissante, que de les chérir tant qu’ils existent, c’est la clé de leur survie, en espérant que d’autres viennent renforcer les troupes.