Marius Atherton, Music For A While (Noway, Prix Libre, Cheap Satanism, Les Potagers Nature & Twintoe)

« Je ne sais pas quelle est ma place »

Pas facile d’aborder le disque de Marius Atherton tant l’homme sait poser des chausses-trappes dans sa tracklist. Proposer un album a priori de pop moderne, chansons et affiliées avec du Purcell, des blip blips électroniques et une reprise de Thee O’Sees met forcément votre rock critic moyen (bibi) dans des dispositions tenant de l’interrogation voire du malaise. Heureusement, quand la voix du garçon apparaît, on se rassure un peu : on va le rattacher vite fait à certains disques récents qui constituent un ensemble plutôt homogène (et un petit panthéon) d’hommes solitaires (au moins dans le métier, on ne sait rien de leur vie privée, Dieu merci) au profil non conventionnel.

Marius Atherton / Photo : DR
Marius Atherton / Photo : DR

Disons que Gilles Poizat (le plus funky), Antoine Bellanger (le plus pastoral) ou Frédéric Sueur (le plus happening) et donc Marius Atherton s’engagent dans une voie marginale d’expression chansonnière, tout à fait contemporaine. Débarrassés de l’envie de toucher le grand public (même si l’option n’est pas forcément levée consciemment), ils explorent chacun à leur manière le champ des possibles en matière de chanson minimale, entouré de leur synthé, ordi équipé d’Ableton ou que sais-je. « Un orgue Bontempi, et la musique devient facile » serait un slogan qu’on appliquerait bien à ces musiciens, si on restait en surface, mais si l’on tend l’oreille, on se rend bien compte qu’il y a bien plus de profondeur à leur jeu.

C’est le cas de Marius Atherton qui délivre une bien belle musique aux racines qui plongent dans l’histoire et qui lorgnent vers une filiation classique, ne m’en demandez pas plus, c’est en discutant avec des sachants (je ne suis que sachet) que j’ai appris ça, je ne fais que répéter. Bien sûr, on entend chez Atherton une musique à la belle solennité, des harmonies, et un soin tout particulier à l’environnement sonore. Il y a une économie dans les arrangements, mais la recherche reste active, notamment vers la soustraction voire le silence, on ne se contente pas de faire blip blip sur le clavier. Il y a des belles basses, des belles réverb et un chant tout aérien qui survole le champ exploré. On reste sur des rythmes planants d’ailleurs, il n’y a aucune précipitation, aucune montée de nervosité, tout est sous contrôle, ce qui permet à l’auditeur de se délecter des histoires racontées par le chanteur.

Marius Atherton / Photo : DR
Marius Atherton / Photo : DR

La littérature de peu de mots d’Atherton ouvre encore plus grand l’éventail de l’étrangeté du propos de Music For A While. Alors qu’on s’attendait à beaucoup de propos lapidaires et allusifs, on se retrouve avec des précis de poésie spontanée ancrée dans une actualité brûlante, comme un reporter de terrain ayant choisi un mode d’expression tout nouveau : les neufs minutes incroyables de Paris ou La Mosquée en disent plus long sur l’époque que 666 heures de BFM. Facile, me direz-vous ? Demandez à votre petit frère qui sait tout faire, alors, si vous n’êtes pas contents. Bien sûr, il y aussi la veine introspective, C’est ma peine qui m’empêche de voir le monde ou les très délicats Myriam et La Nuit, ainsi que des choses plus réalisme magique (Le maire de Lormes est un poseur comme les autres ou Les claquettes de Pierre Carloni avec leur titres imagés), mais au final, les qualificatifs des chansons sont interchangeables. On assiste bien à la création d’un monde, celui de Marius Atherton, sorte d’Yves Duteil tout bizarrement engagé et accompagné par Les Zarjaz sous Xanax. Vous êtes friands de formules un peu nimp’ pour dossier de presse pressé, je le sais. Mais écoutez Marius, c’est encore mieux que tout ça.


Music For A While par Marius Atherton est sorti sur les labels Noway, Prix Libre, Cheap Satanism, Les Potagers Nature & Twintoe.

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