Luke Haines Is Dead titrait en 2005 la première compilation au long format consacrée essentiellement à la carrière fulgurante du britannique sous l’ère de The Auteurs.
À ce moment-là plus ou moins retiré du circuit, médiatiquement et artistiquement, l’irascible anglais en profitait pour tirer un trait ironique sur une carrière qui, de The Servant à Black Box Recorder, l’avait consacré comme l’un des songwriters les plus doués de sa génération. Hormis l’honorable Off My Rocker At The Art School Bop (2005), produit par un Richard X trop envahissant, les années 2000 n’allaient pas le voir sortir de matériau digne de ce nom. Luke Haines allait pourtant se refaire une santé à coups de plume, bien trempée et acide, en détaillant avec humour (vache) et acuité son récit très personnel de la brit-pop dans ce qui constitue l’une des plus indispensables autobiographies rock, l’hilarant Bad Vibes: Britpop and My Part in Its Downfall (2009), ou l’histoire d’un type trop lucide qui traversera comme une ombre amusée un mouvement, la britpop, qu’il déteste mais qu’il a pourtant largement contribué à créer. Dans la lancée, le natif du Surrey publiera une suite tout aussi indispensable (Post Everything: Outsider Rock and Roll (2011) et sortira son œuvre solo la plus aboutie, le très beau 21st Century Man (2009) où il renouait enfin sans complexe avec la pop racée des Auteurs. Depuis, Luke Haines semble avoir laissé de coté les quelques maigres espérances de succès qui pouvaient encore lui traverser la tête pour, à intervalles réguliers, sortir les disques comme bon l’entend, de concept fumeux (l’électronique parano-futuriste sous influence John Carpenter de British Nuclear Bunkers, 2015) en hommage amoureux au rock intello new-yorkais (New York In The ’70s, 2014) un improbable mini-lp concept consacré aux aventures de Mark E. Smith et de son camping car (Adventures In Dementia, 2015) ou encore une ode aux catcheurs british des années 70 (le très réussi 9 1/2 Psychedelic Meditations On British Wrestling Of The 1970s & Early ’80s, 2011).
Autant de disques qui, sans bouleverser l’approche du musicien, contiennent encore et toujours leur lot de réussites éternelles. Preuve que les années passant, le songwriting exigeant et aiguisé du britannique ne semble pas vouloir baisser pavillon. Luke Haines avait déclaré, il y a maintenant longtemps, regretter avec dépit que l’intelligence ne soit jamais saluée en pop music, prenant pour exemple l’absence de succès des Go-Betweens (et crachant accessoirement son venin sur Oasis qu’il voyait sûrement comme le sacre de la bêtise). Le concernant, l’histoire lui a hélas donné raison. Les connaisseurs pourront heureusement se délecter de ce généreux nouveau coffret au titre impayable qui pioche avec gourmandise dans ces quinze dernières années, sans oublier de livrer son lot de titres inédits et de versions différentes. Luke Haines n’est pas mort, vive Luke Haines.