Bien que sous le joug d’une dictature conservatrice, l’Espagne ne manqua pas son rendez vous avec les années soixante. La musique pop ne répondait peut être pas aux envies du régime mais elle passionnait une jeunesse en quête de modernité et d’un peu de liberté. Cette frénésie se concrétisa avec le succès, en 1964, de Flamenco des Brincos. La chanson , inspirée du rock des Beatles, fut le catalyseur d’une scène beat explosive, d’une richesse insoupçonnable de l’autre coté des Pyrénées. À partir de là, les groupes espagnols s’autorisèrent à s’imprégner du R&B le plus sauvage (Los Salvajes), de la musique psychédélique (Máquina!) ou la soul (Los Canarios). Dans cette euphorie des années 60, la sunshine pop fut évidemment de la fête. En Espagne, un groupe de Torremolinos (Málaga) en fit sa marque de fabrique : Los Íberos. Formé d’Enrique Lozano, Adolfo Rodríguez, Cristóbal de Haro et Diego Cascado, le groupe signe avec Columbia. Grâce à leur manager Emilio Santamaría, une figure de la scène locale, ils sont envoyés en Angleterre pour enregistrer leurs premiers 45 tours. Ils font ainsi plusieurs sessions à Londres où ils sont épaulés par Ivor Raymonde (le paternel de Simon), Mike Vickers (ex-Manfred Mann) ou la paire Wayne Bickerton/Tony Waddington. La pratique est alors courante. En France, Michel Polnareff, Eddy Mitchell ou Johnny partent enregistrer avec le gratin des studios britanniques. Chez nos voisins ibériques, il en est de même. Los Bravos ou los Pop-Tops traversent l’océan en quête du son branché du moment. À l’écoute de l’unique album des Íberos, la qualité d’enregistrement est évidente, de même que le talents des différents arrangeurs. Si Bickerton et Waddington ne sont pas encore des machines à tubes (The Rubettes), ils ont déjà une écriture raffinée. Ils se taillent ici la part du lion en co-signant la moitié des morceaux.
Pour autant, il ne faudrait pas négliger le talent des Íberos eux-même. Enrique Lozano avait roulé sa bosse et écrivait alors également très bien. Il signe en effet les quatre chansons en espagnol de l’album. Enfin l’album est complété par une composition de John Pantry (nightime) et une reprise du classique garage-rock des Castaways: Liar Liar. En 12 chansons, los Íberos enregistrent peut être le meilleur album de sunshine-pop espagnol des années 60. Majoritairement en anglais, il sera peut être plus accessible aux oreilles insensibles à la langue castillane. Le 33 tours démarre sur la superbe Summertime Girl, très enjouée et vibrante. Fantastic Girl semble lui répondre un peu plus tard dans le programme. Il y a aussi des titres tirant sur la soul comme les entraînantes Mary And She, Back in Time ou Te Alcanzare. L’ensemble se finit en apothéose sur la super groovy Liar Liar, nous laissant ainsi sur une formidable impression générale. Cet unique album des Íberos dépasse les frontière de l’Espagne, préfigurant l’Union Européenne. Cela fait parti de son charme, tout comme la qualité générale des chansons, le soin apporté aux arrangements ou la qualité d’enregistrement. La musique est une aventure humaine et quand elle réunit des gens talentueux (comme ici) elle peut conduire à des petits miracles !