Lolas, Big Hits And Freak Disasters (Kool Kat)

Rappel des – nombreux – épisodes précédents. Vétéran méconnu de la scène indie-rock américaine (Carnival Season, The Shame Idols), Tim Boykin a choisi de se consacrer depuis trois décennies environ à l’approfondissement d’un style musical – la powerpop – où s’entremêlent ses passions adolescentes pour les mélodies simples et lumineuses et les guitares nerveuses du punk. Au fil d’une discographie intermittente et confidentielle, le résident de Birmingham en Alabama est ainsi parvenu à produire sous le nom de Lolas une dizaine d’albums, par séries successives. Cinq d’abord entre 1998 et 2008, suivis d’une pause de dix ans. Puis quatre autres depuis 2019 quand, bouleversé par le décès de Kim Shattuck (The Muffs), il a fini par se convaincre que l’existence était trop brève pour ne pas célébrer en consacrer une bonne partie à exercer ses talents sous la forme qui lui sied le mieux, toujours plaisante et parfois brillante.

Tim Boykin (Lolas) / Photo : DR
Tim Boykin (Lolas) / Photo : DR

C’est le cas de Big Hits And Freak Disasters à l’intitulé ironique et trompeur puisqu’on n’y trouve nulle trace de carton commercial certifié – malheureusement – ni de ratage complet. Juste douze morceaux – dont certains ont été préalablement publiés au cours des trois dernières années sous forme de singles numériques – parmi les plus aboutis et les plus mémorables de tous ceux enregistrés par Boykin au cours de ses longues années de non-carrière. Tout résonne ici de façon familière dans ces condensés de saturation mélodieuse qui mobilisent, non sans une certaine virtuosité, tous les marqueurs musicaux d’un genre parfaitement référencé. Et pourtant, sans qu’il soit aisé de l’expliquer mais, Tim Boykin possède un style d’écriture singulier qui lui permet de les combiner en une fusion personnelle reconnaissable dès les premières notes. Une maîtrise idiosyncratique qui se manifeste par petites touches, au détour d’un enchaînement couplet-refrain (Shut Me Down), dans les recoins mélancoliques d’une balade (I Wish You A Happy Journey) ou encore dans cet éloge irrésistible de la paresse où Paul Lafargue fusionne avec The Who (Work Is The Blackmail Of Survival).

On entend nicher, dans ces accroches mélodiques irrésistibles, un je-ne-sais-quoi qui fendille imperceptiblement le cœur induré d’adulte et y rouvre des brèches où s’instillent un peu des émois heureux de l’enfance. Ceux qui restent associés à la mémoire à la fois très lointaine et très précisément ancrée où résident encore les souvenirs des premières notes extraites en tapotant sur un piano Fisher Price – celles qu’on jurerait entendre au détour du refrain de Holly – des échos d’un tube des Rubettes qui s’échappent de la sono du manège dans une fête foraine en fin d’été ou des premiers riffs de Ticket To Ride sur l’autoradio familial. Des sensations archaïques qui resurgissent ici et s’imposent avec une simplicité et une limpidité irréprochables. Boykin a eu mille fois raison de sortir de sa préretraite pour leur consacrer une bonne partie de son existence et de ses talents. Et nous convaincre ainsi que la vie est décidément bien trop courte pour passer à côté d’un nouvel album de Lolas.


Big Hits And Freak Disasters par Lolas est sorti chez Kool Kat

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