Si l’on s’en tient aux faits, ce sera le tout premier concert des BMX Bandits à Paris. A Paris, certes mais pas en France. Au printemps 1993, ce qui ne rajeunit personne mais permet de constater que l’excitation demeure palpable, dans la banlieue de Nantes eut lieu le festival Stone Age où la troupe de Duglas T. Stewart partageait l’affiche avec Gallon Drunk et rien moins que Television Personalities. Une soirée à marquer d’une pierre blanche puisque toutes les tribus, d’est en ouest, de ce que l’on appelait encore à raison, l’indie pop, s’y rencontrèrent, parfois pour la première fois. Augmentés d’un Norman Blake (Teenage Fanclub) en grande forme, le groupe livra ce soir là un concert inoubliable, émouvant, drôle et incandescent. C’est dire si vingt-six ans plus tard nous sommes plus que frétillants de les retrouver au Hasard Ludique pour la soirée de clôture du Paris Popfest. Aussi important et précieux à notre coeur que Jonathan Richman ou Daniel Johnston, Duglas T Stewart à un jour écrit ces mots : I don’t care about fashion, All I need is Passion. Rappellons-nous pourquoi ce groupe reste indispensable.
Les crapules en bicross. Mais pourquoi diable ces andouilles ont-elles choisi ce nom, et par la suite, d’intituler leur premier album C86, alors qu’on est déjà en 1989 et que la formation de la banlieue de Glasgow ne faisait même pas partie du tracklisting de l’anthologique cassette du NME ? Sans doute pour anticiper la prévisible ironie des critiques sourds et provoquer les pleutres qui leur ont déjà collé aux basques une étiquette tweepop aussi restrictive qu’incomplète, suite à quatre singles, tous attachants, sortis par leur collègue Stephen Pastel sur son label 53rd & 3d. Et il est vrai que leur honnêteté brute tranche avec un cynisme déjà de bon aloi, puisque l’on y entend sans complexe aucun une reprise admirable et sincère de What A Wonderful World, véritable incongruité dans un monde post-new-wave que l’on cherche alors à recolorer.
C’est précisément ce que semble faire Duglas T. Stewart, d’abord aidé par une partie des Soup Dragons, puis par ses collègues du Teenage Fanclub. Cet éternel jeune homme n’aura jamais peur de passer pour un original, car il a vu la lumière dans les disques des Beach Boys et de Jonathan Richman, autre artiste raillé en son temps pour sa trop grande honnêteté. Ainsi, il n’a jamais connu la crainte du ridicule, et ce qui pouvait passer alors pour du foutage de gueule, ou pire, de l’humour, nous touche toujours aussi profondément, car sa démarche est restée d’une ferveur sans failles.
Telle est l’excellente vision du non-prophète en son pays Duglas T. Stewart, qui depuis le temps, a su déployer une batterie d’influences transcendant son amour immodéré pour l’œuvre des frères Wilson pour s’inscrire dans les petits papiers d’une certaine idée de la Pop parfaite, revendiquant sans honte des influences aussi larges que radicalement surannées (de Michel Legrand à Perry Como en passant par Abba). Incompris, voire méprisés en leur temps sauf par Kurt Cobain qui fut très fan, le grand Duglas et ses BMX Bandits continueront une carrière qui aurait pu décoller avec leur signature sur Creation, (trois albums entre 1992 et 1996, dont l’indispensable Life Goes On en 1993 et son presque hit, Serious Drugs), mais qui retombera dans une notoriété certes culte, mais bien trop confidentielle (My Chain, 2006, In Space, 2012, Forever, 2017). Un parcours méconnu dont il est temps de rendre la visite obligatoire aux jeunes générations.