En 1987, la chanson Vélomoteur souffle un vent de fraîcheur pop sur les ondes de FM libéralisée. Souvent considérées comme un one hit wonder d’une époque qui en compte un paquet (Partenaire Particulier, Patrick Coutin, Chagrin d’Amour, Élégance, Bandolero etc.), les Calamités avaient pourtant démarré cinq ans plus tôt quelque part dans la Bourgogne, à Beaune, petite ville d’une vingtaine de milliers d’habitants. L’histoire débute en effet quand Odile Repolt, Isabelle Petit et Caroline Augier décident de monter un groupe. Mike Stephens (qui remplace un certain Watson) les rejoint pour former le line-up classique du groupe tel qu’il apparaît sur leur mini-album À Bride Abattue (1984).
Le groupe figure initialement sur plusieurs compilations : Les Électriques (une cassette en 1982) avec Envers et Contre Tout et Snapshot(s) en 1983 avec Je Suis une Calamité. Si Envers et Contre Tout est un peu plus brouillon que les chansons ultérieures, nous y retrouvons déjà le style Calamités, un sens de la formule, un humour dévastateur, des mélodies sixties yéyés (avec un coté peut être plus rock & roll) faussement innocentes. Un an plus tard, Je Suis Une Calamité est un des sommets de l’excellente compilation Snapshot(s). Enregistrée avec l’aide de Robin Wills (des Barracudas) et Chris Wilson (des Barracudas et Flamin’ Groovies), la compilation offre un remarquable instantané d’une scène rock française underground plus portée sur les années soixante et les compilations Nuggets (qui sont mentionnées d’ailleurs dans le texte de présentation) que le rock alternatif des Bérus ou Bondage.
Héritiers des Dogs ou des Olivensteins, de la scène bordelaise en ST (Strychnine, Stalag, Stilletos, Standards, Stagiaires etc.) , Gamine, les Rythmeurs ou les Coronados témoignent de la vitalité et la qualité de la scène française après le punk et avant le rock indépendant en pleine vague synthétique, une scène défendue à l’époque par des fanzines comme Nineteen. Les Calamités partagent clairement de nombreuses affinités esthétiques avec ces groupes et leur présence est ici une évidence. Plus pop que la plupart de leurs collègues masculins (exception faite de Gamine), elles se démarquent déjà grâce à des textes incisifs et surtout drôles. Il est probable que le label emblématique New Rose soit allé faire son marché sur cette compilation. En tout cas, nous retrouvons certains protagonistes ici présent dans le rooster de la maison de disques. C’est le cas des Rythmeurs et bien sûr des Calamités. Leur présence ici n’a rien d’une surprise rétrospectivement tant le label et le groupe partagent une certaine idée du rock, élégant, aristo sans être snob et ce goût prononcé pour les sixties. Le mini-album (9 titres – entre 1,35 et 2,41 !) À Bride Abattue comporte d’ailleurs de nombreuses reprises, tous les morceaux en anglais en dehors de l’original Behind Your Sunglasses. Ces reprises, bien que sympathiques, restent le point faible d’un disque par ailleurs excellent. Elles apportent cependant une filiation. Nous y retrouvons ainsi les Who (The Kids are Alright), les Troggs (With a Boy Like You une version féminisée du classique du groupe beat anglais) ou encore une composition signée du merveilleux duo Leiber-Stoller (Teach Me How To Shimmy). Les quatre chansons en français devraient figurer au panthéon du rock hexagonal. À elles seules, elles justifient l’achat de ce disque.
Toutes les Nuits, également publié en single, narre les aventures d’un somnambule au son d’un riff de guitare affûté comme un rasoir. Le Supermarché convoque les joies de ce lieu de perdition sur un tempo enjoué et des mélodies allègres. Nicolas ne déçoit pas non plus, grâce à sa conclusion des plus drôles. Enfin il y a Malhabile, les Dum Dum Girls vingt cinq ans avant ! Si À Bride Abattue est bancal, il n’en reste pas moins un témoignage important de la pop française des eighties, porté par des textes très réussis au ton juste et sans aucune prétention littéraire. Impossible de ne pas se reconnaître dans les paroles ou ne pas sourire. Les Calamités refusent la posture, elles rigolent avec nous, ne veulent pas se prendre la tête mais n’en disent pas pour autant des banalités ou des trucs stupides. Il y a dans À Bride Abattue, une justesse qui touche toujours en 2020. Avec ce disque, les Calamités apportent leur contribution à la scène française de l’époque (les groupes mentionnés plus haut) mais comment ne pas comparer aussi la formation avec ce qu’il se passe alors en Angleterre ? Les Calamités seraient-elles pas nos Shop Assistants ?
Il y a en effet de réelles connexions esthétiques entre la scène underground française de l’époque et l’indie-pop britannique notamment cet amour des sixties et des chansons pop éternelles. La suite pour les Calamités sera étonnante. Elles publient un dernier single chez New Rose (Pas La Peine) et retournent étudier. En 1987, Daniel Chenevez (de Niagara), les contacte. Odile Repolt et Isabelle Petit enregistrent avec son aide, la composition vélomoteur (signée des trois Calamités) qui devient l’année suivante un petit tube de la FM. La chanson évoque curieusement Crash des Primitives (publié après) mais constitue toujours un des tubes les plus cool des années quatre vingt en France. La promotion tempère les ardeurs des jeunes femmes pour une carrière musicale et elles repartent à nouveau dans la vie civile. Les Calamités ne seront ainsi qu’une parenthèse dans la vie des protagonistes dans les années quatre-vingt mais le groupe marquera durablement le rock français, ouvrant la voie aux futures Plasticines, Tôle Froide, Violett ou Paris Banlieue.
NDLR : Selon nos informations, on devrait réentendre parler des Calamités au courant de l’année.
Un retour des Calamités, j’en rêve…
Les Nuls ont fait mieux, mais pour compléter, on peut jeter un œil distrait à cette parodie : https://www.dailymotion.com/video/x5ysbz
Et sinon, les reprises sont très chouettes, particulièrement celle des Who, à 200 à l’heure !