La puissance des marées, la puissance de ce qui revient. Je soulevais une pierre presque noire et dessous, caché, presque en sourdine, un crabe. Un crabe au vert nébuleux, replié et secret. Signe zodiacal de l’aimée, celle qui revient – toujours. La courageuse, la lunaire à la coupe des yeux unique. Mon amour. Alors, je le regarde ce crabe, méfiant et désirant la force du repli, celui de la cachette. Il se hâte, lentement, il vacille vers les roches. Il regagne l’eau et je le sais -instinctivement – il reviendra ici, dans ces lieux. Il reviendra près de mon cœur. Je savoure cette scène qui me fait penser à un film vu dans mon enfance. Le Crabe-Tambour. Ce générique bleu-roi et les ombres au fusain. Jean Rochefort, Jacques Dufilho – l’énigmatique Jacques Dufilho – Claude Rich et enfin, Jacques Perrin. C’est l’histoire de ces personnes qui traversent nos vies et les marquent à jamais. C’est un film voguant entre le documentaire et la mélancolie. C’est une quête, c’est précieux comme le destin. Et le crabe regagne la mer et l’horizon de sel bleu, il regagne la mer lui aussi, dans une quête insensée. Il en a du courage. Tu es belle de ton courage et de vivre avec moi, toi et ta coupe des yeux unique. C’est ce qui manque à la réflexion de Belinda Cannone, le ici et maintenant – l’unique. Le Nouveau Nom de L’amour est un livre superbe, intelligent. Cannone met en évidence la mouvance du désir, cette énergie pure qui nous fait amarrer un amour ou qui nous le fait chavirer. À toi, pour toujours, n’existe plus. Le langage du désir est trop insaisissable pour s’inscrire dans la durée. Mais ce mouvement du désir est aussi une habitude. Une répétition du même. Ce qui est étranger à l’habitude – c’est l’unique. C’est le moment rare où l’on sait que la rencontre est décisive. L’amour-désir formulé par Cannone est aussi cadenassé qu’un contrat de mariage. Je soulève une pierre noire et je vois un crabe. Mais ce retour n’est pas le même. Tu es changée. Tu as changé et mon amour aussi. C’est comme répéter une même note et finir par l’entendre différemment. Et quand j’écoute Bird Wings de Valium Aggelein, c’est exactement cela. Ce plaisir d’entendre ce son familier mais aussi d’être ébloui, toujours, devant ce son. Numero Group a eu la merveilleuse idée de représenter ce projet du groupe Duster. Black Moon. Les improvisations se font secrètes, merveilleuses. Plus rien ne peut nous étonner. Je ne m’étonne plus de revoir ce crabe, le lendemain, à la même place. Il regagnera les eaux et reviendra, encore. Inoubliable.
Le crabe-tambour – Pierre Schoendoerffer, Belinda Cannone, Valium Aggelein
Collage sauvage et de mauvaise foi de l’actualité culturelle de la semaine